Après une fin d’année souvent arrosée, le mois de janvier est souvent vécu comme une période d’abstinence, ou au moins de plus grande attention à leur consommation, pour les Français qui se préoccupent de leur rapport à l’alcool. A la manière d’Halloween, le Dry January s’est installé en France comme une habitude saisonnière désormais bien ancrée. Or, la France est le premier producteur et premier consommateur de vin dans le monde, et l’empreinte culturelle, régionale, de l’alcool y est forte. Pourtant la progression de la consommation de boissons sans alcool y est régulière et répond à une demande croissante des consommateurs.
Un engouement qui monte en flèche
Bières sans alcool, vins rouges ou blancs, pétillants façon champagne ou Prosecco – ou encore rhum arrangés, affichant tous 0 ou moins de 0,5% d’alcool… l’offre est variée, tout comme les motivations des consommateurs. On les appelle des NoLo (pour no et low) : des boissons « sans » ou avec un très faible taux d’alcool résiduel.
Les vins sans alcool sont souvent choisis par des personnes qui préfèrent éviter l’alcool pour des raisons de santé, en raison de leurs convictions religieuses, par les femmes qui attendent un enfant, ou les personnes qui surveillent leur ligne.
Les 18-25 ans les plébiscitent de plus en plus, en particulier ceux qui veulent s’amuser sans avoir à pâtir des effets secondaires de l’alcoolisation, et garder le contrôle sur leurs conséquences fâcheuses. Et, dans les dîners ou soirées festives, ceux qui sont abstinents par choix peuvent se mêler aux buveurs sans être stigmatisés.
Le terme de vin est d’ailleurs inapproprié car, pour qu’un jus de raisin qui a subi une fermentation alcoolique revendique cette appellation, il doit présenter une concentration d’alcool entre 8,5 et 15%. Cette valeur ultime devient d’ailleurs compliquée à respecter pour les viticulteurs, depuis que le réchauffement climatique fait régulièrement grimper le taux d’alcool des vins, rouges en particulier.
Pour autant, les vins sans alcool ont rejoint les mêmes rayons des grandes surfaces que leurs cousins « classiques », et même quelques étagères des cavistes traditionnels.
Face à cette tendance lourde, les plus grands châteaux bordelais ont même commencé à produire eux aussi des vins désalcoolisés, en particulier pour leur clientèle du Qatar ou des Emirats.
Ce marché pèse aujourd’hui 250 millions d’euros à l’échelle de l’Europe. En France, on estimait en 2022 que 26 000 foyer étaient des consommateurs réguliers de vins sans alcool, pour un chiffre d’affaires de 20 millions d’euros. Ceci représente sans doute une goutte d’eau dans l’océan du marché viticole – mais qui progresse de 4 à 12 % chaque année, selon les pays.
Est-ce que c’est bon ?
On peut légitimement s’interroger sur la fabrication des vins sans alcool, qui pourrait laisser penser qu’ils contiennent des additifs ou requièrent des procédés nocifs pour notre santé. C’est tout le contraire. D’abord, parce que la plupart sont produits à partir de vins classiques, qui ont été ensuite désalcoolisés. Ensuite, parce qu’ils affichent un bilan calorique bien inférieur : jusqu’à trois fois moins de sucre qu’un vin classique, ou même un jus de raisin ! Car là est la subtilité : parvenir à maintenir l’équilibre et les arômes d’un vin, alors que son taux d’alcool – et donc de sucre – est limité.
Pour ce qui est du goût, des progrès considérables ont été faits. Si vous avez des souvenirs du faux cidre de vos anniversaires d’enfant, ou des bières sans alcool de vos premières soirées sans les parents, oubliez tout ! Les vins sans alcool ont de plus en plus de caractère. Certes, ils ne reproduiront jamais l’ensemble des propriétés organoleptiques d’un vin avec alcool : goût, bouquet, arômes … En raison de l’absence d’alcool, ils peuvent avoir une légère différence de texture et de complexité.
Rouge, blanc, rosé, pétillant… On a testé et comparé
Le vin rouge est sans doute celui pour lequel la différence est encore la plus perceptible. Plus sucrés au goût – ou plus acides, les rouges peuvent s’avérer décevants pour les amateurs de tanins ou de vins structurés. Les vins blancs sont assez satisfaisants, et leur côté acidulé peut évoquer les vins fruités ou moelleux. Les rosés sont assez bluffants. Servis très frais, ils accompagneront avec bonheur les après-midis de pique-niques ou les dimanches près du barbecue – toutes ces parenthèses festives qui traînent en longueur, et incitent souvent les convives à boire longtemps. Enfin, la palme revient incontestablement aux pétillants. Leur robe dorée ou rosée et leurs fines bulles ne déméritent en rien face à des champagnes low cost. Entre une cuvée moyenne et un pétillant léger et frais, la faveur revient incontestablement au second.
Vers quelle offre se tourner ?
Envie de tester ? Il n’existe à ce jour qu’une dizaine de cavistes qui ont pignon sur rue et une offre orientée 100% sans alcool, comme à Paris Le Paon qui boit, ou Xavier alcool sans alcool ou encore La Cave Parallèle à Nantes. Lorsqu’on pénètre dans ces boutiques, c’est à s’y méprendre, et ils organisent fréquemment des dégustations, pour convaincre ou aiguiller les amateurs, avec un choix extrêmement large, qui va de l’apéritif aux spiritueux, en passant par les cocktails, les bières – blondes, brunes ou IPA – et divers cépages de vins. Pour plus de praticité, et une facilité de livraison, on se tournera plus utilement vers les distributeurs en ligne, parmi lesquels on trouve Gueule de joie, Sans alcool du vigneron, NoLoHouse, ou même des vignerons qui ont développé une gamme sans alcool comme Pierre Chavin (leader en France) ou le Prince Oscar du prestigieux Clos de Boüard.
Enfin, les meilleures tables se sont penchées sur des menus proposant des accords mets et boissons sans alcool, composés par exemple par un sobrelier, comme Benoît d’Onofrio (@le_sobrelier).
Que l’on ait envie d’être sobre ou juste plus raisonnable, les alternatives sont désormais nombreuses pour se faire plaisir sans se faire de mal !