C’est cela que nous appelons la parentalité « située ».
Prenons l’exemple de la sociabilité. Chez cette maman qui vient d’un village de l’île Maurice, les portes restent ouvertes, les enfants passent d’une maison à l’autre à leur guise pour rendre visite à leurs copains. Pour cette autre maman, issue d’un quartier huppé de Bagdad, la sociabilité se décline à l’intérieur, en famille, avec la fratrie, les cousins, la télévision.
En effet, dans ce quartier, les maisons sont très grandes et les enfants ne sortent pas dans la rue. Lorsque ces deux mamans arrivent en France, l’institutrice de maternelle insiste pour qu’elles aillent au parc avec leur enfant. Mais cela ne signifie strictement rien ni pour l’une, ni pour l’autre, au regard de leur expérience. De plus, elles trouvent que le parc n’est pas très propre, il y a parfois des chiens. Enfin, nous disent-elles, leur enfant va à l’école toute la journée, est-ce qu’il ne se sociabilise pas déjà assez ?
L’exemple de la dimension affective
Ici, en France, en raison de plusieurs découvertes (Winnicott, Dolto, neurosciences…), les câlins sont très valorisés entre les parents et les enfants. Est-ce universel ? Oui, partout la dimension affective fait partie de l’éducation. Mais pas forcément en public ni à tous les moments de la journée. Parfois aussi la vie est plus dure, l’éducation valorise le fait que l’enfant « prenne sur lui » et ne devienne pas trop vulnérable.
Dans certaines traditions, enfin, le monde des adultes est davantage séparé du monde des enfants. Les jeunes professionnels, sur cette question de la dimension affective, peuvent déplorer une attitude parentale qu’ils estiment « froide et distante » de parents d’origine étrangère. De leur côté, certaines familles étrangères considèrent qu’une confusion règne en France entre les rôles des adultes et des enfants, et que cela n’est pas très structurant. D’autres, Français âgés de soixante-dix ans ou plus, affirment que leurs parents ne leur faisaient jamais de câlins. Est-ce pour autant qu’ils ne se sont pas bien « développés » ? Certainement pas, disent-ils.
L’approche anthropologique et interculturelle nous apprend qu’il n’y a aucune évidence comportementale ou parentale ; chaque modèle a des avantages et des inconvénients. Et les remarques sont naturelles puisque chacun observe l’autre à partir de son propre cadre de référence. Pour résoudre les malentendus, il faut ouvrir des espaces de parole et croiser les regards, évoquer ensemble les horaires, les logements, les organisa tions de vie, le climat, l’alimentation, la famille, les valeurs, les théories scientifiques, les croyances…
Personne ne devrait chercher à imposer sa vision et à prendre le pouvoir sur l’autre. L’objectif est de construire des ponts entre les parentalités afin que les enfants qui vivent en contexte interculturel puissent tirer le meilleur de cette pluralité éducative.
Clotilde O’Deyé, formatrice et coordinatrice de projets, spécialisée dans la parentalité et l’interculturalité. Elle est l’auteure de : Accompagner la parentalité en exil : analyse et guide pratique à l’usage des intervenants, Rennes, Presses de l’EHESP, 2021.