Le terme parentalité renvoie à la traduction de parenthood (1959), concept développé par la psychanalyste américano-hongroise Thérèse Benedek (1892-1977). Introduit en 1961 par le psychiatre-psychanalyste Paul-Claude Racamier (1924-1996), le néologisme est officialisé dans les années 1980. Les dimensions des fonctions paternelles et maternelles s’élargissent. La parentalité désigne l’ensemble des façons de vivre la condition d’être parent. Jusqu’aux années 1980-1990, ce concept est essentiellement utilisé par des spécialistes et restreint à des univers spécifiques. Depuis, son usage s’est répandu et prend une connotation polysémique qui renvoie à des réalités culturelles diverses. Il mobilise de nombreux acteurs selon des approches disciplinaires variées (psychologique, psychanalytique, sociologique, juridique, éducative, politique, sociale, etc.).

Concept filial et préoccupations sociétales

Les dictionnaires caractérisent de manière complémentaire la parentalité. Le Petit Robert (2001), renvoie à « la qualité de parent, de père, de mère ». Il qualifie le lien entre un adulte, mère et/ou père, et un enfant, quelle que soit la structure familiale dans laquelle ce lien s’inscrit. Le Larousse (2000), présente la parentalité comme la « fonction de parent, notamment sur les plans juridique, moral et socioculturel ». Cette fonction est étayée psychiquement et biologiquement : assurer le développement et le bien-être d’un sujet, l’enfant. Dans l’univers analytique, l’épreuve de la parentalité est considérée comme « l’ensemble des processus de maturation psychique propres à la fonction parentale (1) ». Des réaménagements psychiques et affectifs se préparent inconsciemment depuis l’enfance ; ils sont activés à l’adolescence. La crise maturative implique le désir d’enfant, un besoin quasi inscrit dans le développement du sujet.

Lors de l’accueil du bébé, l’expérience de la parentalité « implique […] engagement et […] disponibilité (2) » pour répondre aux besoins de l’enfant. Le non-accès à la parentalité est interprété comme un échec dans le développement psychoaffectif. Alors que dans le champ sociologique, la notion de parentalité met en avant la complexité et la diversité des structures et fonctions familiales (homoparentalité, pluriparentalité, parentalité adoptive, parentalité d’accueil, beau-parentalité, grand-parentalité…), dans le champ juridique, le droit civil reconnaît le concept de parenté en référence à la fonction parentale et à la coparentalité. Il suppose un ensemble de droits et de devoirs relatifs à l’autorité parentale dont la finalité, encadrée par le contrôle institutionnel, est l’intérêt supérieur de l’enfant.

Les rapports nationaux et internationaux dans le champ de l’action politique et sociale considèrent les difficultés à assumer ce rôle comme la source des principales problématiques auxquelles sont confrontées les sociétés actuelles. De nombreuses personnes exercent cette fonction sans le moindre soutien ni la moindre préparation. Les enjeux sociétaux et l’importance que recouvre la fonction éducative justifient la mise en œuvre d’actions pour soutenir les familles en souffrance et protéger l’intérêt des enfants. La parentalité renvoie à une fonction susceptible de présenter un certain nombre de défaillances : elle nécessite d’être soutenue et restaurée.

De l’enfant objet à l’enfant sujet

L’approche contemporaine de la représentation de l’enfant s’appuie sur une longue évolution des représentations de l’enfance et de son éducation. Il fut une époque où l’éducation était envisagée comme une initiation conduisant chacun à trouver sa place dans un ordre conçu comme éternel, car voulu par Dieu. Perçu comme sans intérêt au Moyen Age, à l’époque moderne l’enfant est considéré comme un objet d’affection filiale ; son éducation mobilise des efforts croissants. Dans la postmodernité, l’enfant apparaît comme identique aux plus âgés tout en étant différent d’eux. Il est envisagé comme un sujet : un nouveau paradigme. Comment les parents, sujets eux aussi, envisagent-ils les relations avec leur enfant ? Comment leurs pratiques éducatives vont-elles répondre à ses besoins fondamentaux ?

De l’autoritarisme parental à une démarche de coopération enfant-parents

Les enfants suivent les exemples qu’ils observent. Sous l’influence des mouvements se réclamant des droits de l’homme, les adultes ne sont plus des exemples de soumission et d’obéissance. Les valeurs de la société et les écrans renvoient des modèles différents. Par ailleurs, les enfants ont moins la possibilité de développer leur sens de la responsabilité, de fournir de l’effort et de s’investir, sources de motivation.

Ces changements modifient leurs comportements : au lieu de dépenser leur vitalité à courir, sauter, grimper, pédaler, aider, participer, coopérer, etc., ils dépensent beaucoup d’énergie à se rebeller, faire leurs preuves, se désengager. Les parents sont dépourvus et oscillent entre autoritarisme et permissivité, tous deux sources de violences éducatives ordinaires. En tenant compte de ce contexte, Jane Nelsen propose une éducation ferme et bienveillante : la discipline positive (3). Elle offre une démarche, ni permissive ni punitive, qui me semble correspondre aux valeurs bibliques.

Sensibiliser à l’amour et à la justice de Dieu

Envisager ces difficultés éducatives comme de belles occasions d’approfondissement de nombreux aspects de sa propre vie spirituelle constitue une grâce de Dieu en vue d’acquérir de nouvelles habiletés parentales. En complément, la connaissance du fonctionnement psychique de l’enfant donne souvent du sens à ce qui est vécu et facilite l’ajustement des interactions. « Mon peuple est détruit parce qu’il lui manque la connaissance (4). »

Processus périlleux, l’exercice de la parentalité constitue un vrai défi pour nous, humains pécheurs. Éduquer sans se laisser manipuler nécessite beaucoup d’expériences, de prières, de patience, de sagesse pour imaginer des solutions éducatives en cas de dépassement par l’enfant du cadre fixé par les parents (Galates 5.22).

Agnès Laucher, psychologue de l’éducation et du développement, bachelor de théologie (Faculté libre de théologie évangélique)

1 Alain Bouregba, Les Troubles de la parentalité. Approche clinique et socio-éducative, Malakoff, Dunod, 2020.

2 Agnès Laucher, L’Art d’être parents. L’enjeu des 6 premières années, Paris, Empreinte, 2013, p. 19.

3 Jane Nelsen, La Discipline positive. En famille, à l’école, comment éduquer avec fermeté et bienveillance, Vanves, Marabout, 2019.

4 Osée 4.6.