Prenons une journée normale. Vous vous levez en vérifiant si votre ligne de métro est opérationnelle, vous baissez la température de votre radiateur, vous prenez une douche, parce que c’est meilleur pour la planète.

Finalement vous prenez votre voiture, et vous zig-zaguez entre trottinettes, vélos et monoroue, accroché à votre volant. A la cantine, vous évitez les laitages, le gluten ou le sucre, parce qu’on vous a dit que c’était mauvais pour votre santé. La télévision ou la radio vous déverse son lot de mauvaises nouvelles. Et le soir, vous constatez que vous avez de plus en plus de mal à dormir – ou vous vous réveillez la nuit avec des sueurs froides.

C’est un fait, ces dernières années, notre niveau de vigilance est monté à des niveaux inédits, avec son cortège de peurs en tous genres.

C’est quoi, au juste, la vigilance ?

Cette capacité à être attentif à ce qui nous entoure est directement corrélée à notre instinct de survie. Autant dire qu’elle ne date pas d’hier ! Nos sens de la vue, de l’ouïe et de l’odorat nous ont permis depuis des temps immémoriaux de repérer et même détecter à l’avance un potentiel danger qui pourrait nous tomber dessus : prédateur, ennemi, événement naturel, risque de chute ou de blessure…

Or, l’arrivée du Covid nous a mis face à un prédateur inédit pour nos générations : invisible, indétectable à l’œil nu, silencieux et se cachant potentiellement partout. Et si votre sens de l’odorat était touché, c’est qu’il était déjà trop tard. Quelle terrible source d’anxiété !

Des sources d’hypervigilance de plus en plus nombreuses

Indépendamment du virus, nous sommes en contact avec des facteurs de sensibilisation de notre vigilance qui se sont multipliés :

– La circulation automobile nous amène à prêter attention à des véhicules plus petits, plus rapides ou au contraire plus lents, placés dans des angles morts, ou surgissant à contresens. Conduire requière désormais une attention supérieure à ce qu’elle nécessitait jadis.

– L’envolée des prix de l’énergie nous oblige à vérifier en permanence nos consommations de chauffage, eau, électricité, carburant… On baisse la température, on éteint les lumières, on débranche les appareils à leds et on regarde défiler les chiffres de la pompe à essence avec l’impression qu’ils s’affolent de plus en plus. C’est, certes, indispensable, mais cela crée une tension quasi-quotidienne.

– L’inflation confronte chacun à ses besoins et ses capacités de subsistance. Même si nous ne sommes plus des chasseurs-cueilleurs, remplir un caddie suppose désormais de vérifier, comparer les prix et parfois réviser ses choix. On fait attention à ce qu’on dépense.

– Le maintien de notre santé nous pousse à veiller à notre consommation de sucre, d’alcool, de gras, de sel… Nous scrutons les nutriscores et scannons les étiquettes, traquant les additifs inutiles et les ingrédients ultra-transformés…

– Les médias pointent avec complaisance les risques potentiels autour de nous : ruptures de carburant, de médicaments ou d’alimentation, mais aussi phénomènes naturels démesurés, catastrophes écologiques… Et ne parlons même pas des nouvelles alarmantes et tragiques en provenance de tous les conflits existants.

Dans ce contexte, la vigilance est à son maximum et génère un état d’alerte permanent, une sensation d’être sur le qui-vive, des peurs diverses et variées qui se succèdent les unes aux autres. A la clef, un sentiment d’insécurité grandissant, qui ne nous permet plus de récupérer complètement, ni de profiter totalement de temps de repos ou de calme, affectant jusqu’à notre sommeil. Les cogitations s’accumulent et les anticipations se font sur un mode de plus en plus angoissant : allons nous encore parvenir à partir en vacances, pourrons-nous travailler comme avant – et tout simplement vivre ? Tout nous maintient en alerte, et nous semblons ballottés d’une inquiétude à une appréhension.

Comment revenir à l’équilibre ?

Certes, certaines situations sont préoccupantes, et la vigilance est utile, mais pas tout le temps. Et il faut sérieusement envisager de réussir à lâcher-prise (une notion que nous avions déjà évoquée…en 2019), même dans les périodes compliquées – au risque d’y laisser notre santé mentale.

Voici quelques pistes ou expériences à tenter :

– Se poser de temps à autre pour lister/réaliser ce qui est stable et sécurisant dans sa propre vie : travail, couple, famille, cercle amical, lieu de résidence, revenus…

– Lister tout ce que l’on a en suffisance.

– Apprendre à relativiser, c’est-à-dire à comparer/mesurer les faits ou événements selon leur niveau d’importance ou de gravité pour nous. A ce titre, la phrase-magique « Quelle importance cela aura-t-il dans un an ? » fonctionne toujours.

– Eviter la surexposition au informations, et les consommer avec distance et parcimonie (en 2017, je vous incitais déjà à vous protéger de l’actualité).

– Déconnecter des notifications, réseaux sociaux et fil d’information plusieurs heures dans la journée, voire un week-end complet !

– Faire de l’heure qui précède le coucher un moment de détente et de calme, propice au sommeil, avec le rituel qui convient à chacun : soins du corps, bain, lecture, câlins, musique…

– Lancer une grande opération ménage chez soi : vider, ranger, aménager, décorer, pour se sentir bien dans son propre foyer.

– S’adonner à des loisirs qui remettent dans le corps tout en canalisant les pensées parasites : activités manuelles, bricolage, jardinage, loisirs créatifs… et si possible dans un espace ou environnement familier ou sécurisé, dans lequel on peut s’installer pour s’abandonner totalement à la détente.

– Lire de la poésie, faire du chant dans une chorale…

– Consacrer du temps aux autres, au bénévolat, à des actions désintéressées…