Certains ont transformé le lien entre les hommes qui se vivait à travers la convivialité en un rapport au monde et à nos semblables que l’on pourrait qualifier d’ « économique ». À quoi l’autre peut-il me servir pour m’accomplir, réaliser mes ambitions, réussir mon implantation dans la société, me rendre heureux ? On a remplacé le bonheur de la découverte et de la rencontre par l’échange comptable et marchand. C’est un peu le constat d’Ivan Illich, l’auteur d’une analyse critique de la société industrielle parue en 1973 sous le titre La convivialité.

Il y dénonce un asservissement des hommes coincés et broyés par la course à la productivité, créant sans cesse de nouveaux besoins, fabriquant une société frustrée de ne jamais pouvoir satisfaire ces derniers, tout en reléguant l’humain au second plan. Qu’avons-nous oublié ? Que manque-t-il tant pour que les hommes se soient exclus les uns les autres, se soient enfermés derrière les murs de leurs propriétés, regardant l’étranger avec méfiance et hostilité ? Que craint-on de perdre, de mettre en danger ?

Dans les temps immémoriaux, on expérimentait l’accueil de l’hôte de passage pour éviter de s’en faire un ennemi et l’on travaillait l’appartenance à un clan, à un peuple, une communauté, au travers de rites de passages, qu’ils soient religieux ou sociaux. Ces derniers occasionnaient des rassemblements autour de festins, de banquets. On a nommé ces mouvements d’accueil et de partage « la convivialité ». La Bible elle-même relate ces occasions de rencontres même si le terme n’est pas un mot proprement biblique. On peut en retrouver trace dans les récits relatant les mariages, le sevrage des tout petits, ou encore l’accueil des hôtes de passage comme Abraham qui […]