Accompagner un proche qui a des troubles cognitifs est une épreuve, qui peut faire naître des sentiments mitigés.

On estime à environ un million le nombre de Français qui sont touchés par la maladie d’Alzheimer et à 300 000 ceux qui souffrent de la maladie de Parkinson. 250 000 personnes seraient touchées par la maladie à corps de Lewy, dont 67% ne sont pas diagnostiquées.

Ce ne sont que quelques-unes des maladies dégénératives chroniques qui touchent la population, dont le nombre de cas déclarés progresse chaque année. Aussi, il n’est pas étonnant d’apprendre qu’il y a environ 10 millions de Français qui sont des aidant familiaux : ils soutiennent un proche en perte d’autonomie consécutive à une maladie ou un handicap. Au-delà de l’aide morale, pratique, financière qu’ils apportent, ils doivent affronter les conséquences des troubles cognitifs engendrés par les maladies neurodégénératives : troubles de la mémoire, de la pensée, modifications des émotions et des comportements…

Ces changements sont tellement importants que le proche aidant, bien qu’il soit dans le soutien total du membre de sa famille qui est malade, entre dans un processus progressif de détachement affectif, face à une personne qu’il ne reconnaît plus.

On parle alors de deuil blanc pour désigner cette acceptation de la perte d’un être cher tel qu’il était. Ce deuil invisible – puisque le proche est bel et bien vivant – fait vivre des sentiments paradoxaux et difficiles à partager.

Le deuil blanc, une succession de pertes

L’expression « faire son deuil » est généralement employée pour décrire le cheminement émotionnel qui suit le décès d’un proche. Dans le cas du deuil blanc, ce proche est toujours là, mais on doit affronter des changements douloureux et pertes successives, souvent de manière irrémédiable.

La perte de la relation telle qu’elle était.

Les proches aidants peuvent ressentir une modification profonde de la relation telle qu’elle existait avant la maladie. Les changements de personnalité, de comportements et la diminution de la reconnaissance peuvent altérer la relation, le lien affectif et provoquer une réelle tristesse.

La perte des souvenirs partagés.

En altérant la mémoire, les maladies neurodégénératives peuvent effacer les souvenirs partagés, les moments précieux et autres expériences vécus ensemble. Les aidants familiaux peuvent ressentir une perte de connexion émotionnelle avec la personne malade, qui devient presque étrangère à ses proches. Comme si celui ou celle dont on s’occupe était déjà parti. Cette altération génère un sentiment d’impuissance, d’injustice et parfois une profonde colère.

La perte de la communication.

La communication peut devenir de plus en plus difficile à mesure que la maladie progresse. Les proches aidants peuvent ressentir une perte de la capacité à échanger des pensées, des sentiments et des expériences avec leur être cher – ou faire face à des sautes d’humeur ou de l’agressivité injustifiés. Cela crée de la frustration et du découragement.

Les changements de rôles.

Les proches aidants peuvent expérimenter une perte de leurs rôles traditionnels au sein de la famille. Un enfant devient le parent de son parent – ce qui bouleverse aussi sa place dans sa fratrie. Un conjoint se transforme en aide-soignant, devant faire parfois fi de la spontanéité affective qui l’animait auparavant… Les responsabilités peuvent changer, et les proches aidants peuvent se sentir dépassés ou gênés par les nouvelles tâches liées aux soins, notamment tout ce qui touche à l’intimité ou à la pudeur de la personne.

L’isolement social.

S’occuper d’une personne atteinte d’une maladie engendrant une perte d’autonomie conduit à un isolement social. Les proches aidants peuvent ressentir une perte de connexion et d’interactions avec leur réseau social en raison des demandes de soins constantes. Cela prend du temps, et les moments de loisirs, quand ils sont possibles, sont davantage consacrés à la récupération de la fatigue physique et psychologique.

Comment affronter le deuil blanc ?

Les proches aidants doivent savoir que tous les sentiments et émotions qui les traversent sont parfaitement normaux. Le deuil blanc est souvent indicible. En effet, il est douloureux de partager ses sentiments mitigés face à un être cher, pour lequel on a un réel attachement affectif et une vraie attention, tout comme les réactions impatientes que l’on peut avoir dans des situations épuisantes.

Les associations de proches aidants sont d’un très bon soutien, pour comprendre, oser parler et surtout trouver des solutions pour soi. Chercher du soutien émotionnel auprès d’amis, de la famille ou de groupes de soutien peut aider à exprimer les émotions et à se sentir compris.

Il ne s’agit pas de déverser sur les autres ce qui est trop lourd, mais de s’accorder la possibilité de demander soi-même de l’aide.

On a constaté également que plus les proches comprennent la maladie, et mieux ils peuvent faire face aux changements et ajuster leurs attentes.

Il est essentiel que les proches aidants prennent soin de leur propre santé mentale. Cela suppose de faire des pauses dans l’accompagnement, en délégant certaines tâches à d’autres membres de la famille, ou en prévoyant des séjours de répit – ces moments où l’on peut partir en vacances avec son proche malade ou seul, tandis que d’autres professionnels s’occupent de la prise en charge quotidienne.

Enfin, consulter un professionnel peut aider à vivre cette période, pour prendre an charge sa propre anxiété, son humeur dépressive ou ses troubles du sommeil.

En fin de compte, les proches aidants doivent reconnaître leurs propres émotions et chercher le soutien nécessaire pour faire face au deuil blanc. La prise de conscience et la communication ouverte sont cruciales pour préserver la santé mentale de tous.