Cet ultime épisode de notre série sur la psychogénéalogie clôt la quête d’autonomie de toute personne qui perçoit dans sa vie des maux ou blocages issus de son histoire familiale inconsciente. Admettons que vous ayez trouvé des indices concordants, ou que vous ayez tout simplement une intuition, concernant un événement, voire un trauma, qui aurait été sciemment dissimulé mais dont les effets perdurent. Que vous ayez des informations objectives (un état civil révélé, un testament découvert) ou simplement les bribes de la tradition familiale orale, que faire des ces informations ? Se libérer des héritages familiaux met tout membre d’une famille devant un dilemme : faut-il être déloyal et trahir le groupe, ou prouver sa fidélité en perpétuant la transmission ? Chaque personne est libre d’apporter sa réponse à cette question, tout en sachant qu’on peut conserver l’esprit de la loyauté familiale, tout en revendiquant son indépendance – et ses choix pour sa propre vie.
La peur sous-jacente est de devenir celui ou celle qui révèle mais surtout accuse, voire juge un membre plus ancien de sa famille, ou réputé plus honorable. Le risque est aussi que la révélation ait une portée psychologique dramatique, notamment sur les plus jeunes. C’est pour éviter tous ces écueils que la thérapie transgénérationnelle s’avère un mode d’accompagnement sécure, qui s’appuie sur de nombreuses techniques.
Conscientiser pour libérer
Le secret aliène, tandis que la prise de conscience libère. Toute information qui peut être appréhendée, traitée au niveau de la conscience, perd déjà fortement une partie de la charge psychique dont elle était porteuse. C’est la vérité qui soulage, pas le mensonge.
Evidemment, toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire, ni à entendre. Toute personne a droit à la protection de sa vie privée et à son jardin secret. Et faut-il tout dire aux enfants – et surtout comment ?
Les parents n’ont aucune obligation à raconter tous les détails de leur vie à leurs enfants, s’ils n’en ont pas envie ou estiment que ça n’est pas utile. Mais si ce qui est caché génère une souffrance, la verbalisation va devenir indispensable. On doit répondre à un enfant qui questionne, en adaptant son discours à son âge, et à ce qu’il est prêt à entendre. Mais si on lui ment, on crée un monstre qui le poursuivra toute sa vie. Si on a peur d’être maladroit ou de blesser quiconque, mieux vaut se faire accompagner sur la forme.
Pour cela, les thérapies par la parole sont celles qui sont les plus accessibles. Psychothérapies ou psychanalyse, vont permettre à un individu de mettre enfin des mots sur ses ressentis, et de se défaire progressivement des sentiments mitigés, injonctions contradictoires et croyances limitantes dont il était l’objet. L’équilibre se fait toujours entre le respect dû à ce qui a été vécu par les ancêtres (sauf s’il s’agit d’actes condamnables, mais que l’on peut reconnaître), et la volonté de s’en libérer pour trouver sa place. Le passé ne peut être refait, mais le présent n’a plus à en subir les conséquences.
Les techniques de la thérapie transgénérationnelle
Pour explorer et traiter les influences familiales, la thérapie transgénérationnelle utilise d’autres outils plus spécifiques :
Le génosociogramme.
Nous l’avons évoqué dans le premier épisode, car il est la base de toute quête. C’est une représentation graphique de l’arbre généalogique, mais qui inclut des informations détaillées sur les relations et les événements familiaux importants. Les thérapeutes utilisent dès le départ le génosociogramme pour identifier les schémas récurrents, les secrets de famille, les loyautés invisibles et les conflits non résolus. Parfois, le simple fait de replacer dans l’arbre un ancêtre dont le souvenir a été effacé suffit à libérer les autres membres.
L’hypnose régressive.
Cette technique utilise l’état modifié de conscience comme moyen pour aider un individu à revisiter des expériences passées, y compris celles de ses ancêtres, afin de libérer les émotions et les traumatismes refoulés. L’hypnose régressive permet d’accéder à des souvenirs inconscients et de travailler sur des événements qui ont marqué la famille de manière profonde, mais en les traitant sur un plan symbolique, qui agit fortement sur l’inconscient.
Les thérapie narratives.
Cette approche encourage les individus à raconter et à reconfigurer leur histoire familiale. En reconstruisant les récits familiaux, les patients peuvent redéfinir leur identité et se libérer des schémas restrictifs et croyances limitantes hérités de leurs ancêtres. Cela peut se faire par oral, avec un praticien, ou par écrit – en écrivant une lettre à un ancêtre, par exemple.
Les constellations familiales.
Développées par Bert Hellinger, les constellations familiales sont une méthode thérapeutique où les membres d’un groupe jouent les rôles des membres de la famille du patient. Cela permet de visualiser et de comprendre les dynamiques familiales et les liens ou conflits invisibles qui se sont noués, dans une sorte de génosociogramme grandeur nature. Les constellations familiales peuvent révéler des loyautés inconscientes et des patterns relationnels problématiques. Cette « mise en scène » de membres de la famille, y compris disparus, agit puissamment sur le plan symbolique et inconscient pour permettre à l’individu, ici et maintenant, de positionner ce qu’il choisit pour sa propre vie.
Ce travail en profondeur, on le fait pour soi, mais aussi pour les générations suivantes. Comme un virus qui cesserait de se transmettre, le secret qu’on ne veut plus porter s’étiole et cesse de perturber les descendants de la première génération. On coupe le lien invisible. La compréhension des traumatismes et des comportements hérités peut non seulement soulager les souffrances individuelles, mais aussi apporter une paix et une guérison aux familles dans leur ensemble.
Pour aller plus loin…
– Intégrer ses héritages transgénérationnels, Thierry Gaillard,Ed. Génésis, 2016.
– Constellations familiales : comprendre les mécanismes des pathologies familiales, Bert Hellinger, Ed. Le Souffle d’or, 2001