Le scénariste et réalisateur américain Sean Baker (The Florida Project, Red Rocket), Palme d’or du 77e Festival de Cannes avec Anora, s’aventure à nouveau du côté sauvage avec une comédie aux accents de thriller, sans aucun tabou, qui passe des bas-fonds new-yorkais aux villas de luxe d’un couple d’oligarques russes.
Anora, ou Ani (Mikey Madison) comme elle préfère être appelée, jeune strip-teaseuse de Brooklyn, se transforme en Cendrillon des temps modernes lorsqu’elle rencontre le fils d’un oligarque russe, Ivan (Mark Eydelshteyn). Sans réfléchir, elle épouse avec enthousiasme son prince charmant ; mais lorsque la nouvelle parvient en Russie, le conte de fées est vite menacé : les parents du jeune homme partent pour New York avec la ferme intention de faire annuler le mariage…
Une comédie noire
Un film qui est, avant tout, servi par une véritable révélation, l’actrice Mikey Madison, absolument magnifique dans ce regard dynamique et dévastateur sur l’exploitation moderne des classes sociales, sur le ton de la comédie noire. Sean Baker, qui est également le co-monteur du film, construit son histoire en deux parties distinctes : la première est très excentrique et rock n’roll, enchaînant fêtes, beuveries et multiples scènes de sexe, y mêlant toujours une grosse dose de burlesque et une romance à la Pretty Woman ; la seconde, aux influences (inavouées) de Good Time des frères Safdie, prend la forme de montagnes russes (c’est le cas de le dire) vous scotchant au siège, avec toujours beaucoup d’humour décapant (peut-être trop d’ailleurs), surfant sur la caricature sans complexe dans un univers mafieux, avec virées et courses nocturnes dans un New York peuplé d’hommes de main patibulaires.
Mais derrière tout ça, Anora demeure aussi (et c’est sans doute sa grande qualité) un film qui nous donne de percevoir la désillusion, lente et profonde, d’un personnage qui tente de regagner son libre arbitre. C’est tout un monde idéalisé qui en prend pour son grade avec le cinéaste américain de 53 ans.
Une Palme méritée ?
Un film divertissant, certes, mais qui pose tout de même de sérieuses questions en recevant la Palme d’or alors que d’autres, d’un tout autre niveau, se retrouvent avec des « lots de consolation ». En particulier, comment ne pas évoquer Les graines du figuier sauvage qui est récompensé d’un prix spécial ajouté… comme si seule la dimension politique était relevée, dévalorisant donc dans le même temps la formidable œuvre cinématographique réalisée. Mais voilà… le Jury est libre et décide. Le reste appartient au public.