La succession des rois de France : uniquement par le sang
Descendant de Saint Louis à la neuvième génération en lignée masculine par la branche cadette des Bourbon-Vendôme, Antoine de Bourbon, duc de Vendôme, se sent proche du trône en raison de l’extinction progressive de la maison de Valois qui fait de lui le premier prince du sang. Même avec une goutte bien diluée.
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Pourtant la famille de Bourbon a un lourd passif. Le cousin de son père, le « connétable de Bourbon » (1490-1527), dernier grand féodal, est passé à l’ennemi et est devenu le lieutenant-général de Charles Quint. Il participe activement, du côté espagnol, à l’écrasante défaite de Pavie (1525).
Il envisagea même, de concert avec Henri VIII d’Angleterre et Charles Quint, le partage de la France en trois. Il fut tué en 1527, pendant le sac de Rome. La maison de Bourbon fut privée d’une grande partie de ses fiefs à la suite de cette trahison. Mais, descendante de Saint Louis, cette maison conservait néanmoins ses droits. Les règles de dévolution de la Couronne de France, afin d’éviter l’émiettement territorial, stipulent que l’héritier est le fils aîné du roi ou, à défaut, un prince de sang royal d’une branche cadette.
Les filles sont écartées (loi salique) afin d’éviter le morcellement du royaume en cas de mariages avec des princes étrangers. Cette loi fondamentale fut respectée par Henri III (de Valois) qui, après avoir été blessé à mort par un moine fanatique le 1er août 1589, reconnaîtra formellement son beau-frère et cousin Henri III de Navarre, aîné de la branche de Bourbon, comme son successeur légitime.
Prêt à s’allier à l’Espagne pour une couronne
En raison sans doute de ses antécédents familiaux, dès 1555, l’ambition d’Antoine de Bourbon ne peut se satisfaire de la petite couronne de Navarre, qui est celle de Jeanne d’Albret qu’il a épousée en 1548. Aussi intrigue-t-il auprès de Philippe II d’Espagne pour que la Haute-Navarre – conquise sur Catherine Ière de Navarre et son époux Jean II d’Albret en 1512 par le roi Ferdinand le catholique, et intégrée à la Castille en 1516 – lui soit attribuée à titre personnel. Il va jusqu’à dénoncer son épouse comme « hérétique » auprès de la couronne espagnole, alors que lui- même, né protestant, oscille par opportunisme entre protestantisme et catholicisme. Il fait savoir à Philippe II qu’il est prêt à répudier Jeanne afin de régner sans partage dans la mouvance de l’Espagne sur la Navarre reconstituée et sur le Béarn.
La valse des conversions
Les deux époux changent de religion presqu’en même temps. En août 1560, Jeanne adhère au calvinisme, sans doute sous l’influence de Théodore de Bèze qui vient vivre à sa cour de Nérac. Antoine donne des gages de fidélité au catholicisme. Catherine de Médicis fait miroiter à ses yeux la « lieutenance générale » du royaume de France, c’est-à-dire la réalité du gouvernement. Elle obtient de lui à cet égard un document écrit – sorte de lettre de candidature – qu’il signe de sa main, au détriment de son honneur.
Une mort peu glorieuse
Se rapprochant du parti des Guise, il prend les armes contre les protestants et commande à l’automne 1562 les troupes catholiques qui assiègent Rouen, alors place protestante. Au cours d’une inspection des tranchées, il est tué alors qu’il assouvissait un besoin naturel. Une épitaphe populaire circula à l’époque, que reprit plus tard Voltaire dans une note au bas d’une page de sa « Henriade » :
« Ami français, le prince ici gisant
Vécut sans gloire et mourut en pissant ».