Lorsque la figure de Jean Calvin est évoquée, les regards s’assombrissent et les mâchoires se serrent tant l’image du Réformateur français est sombre, « vêtue de noir [1]». Ses détracteurs dénoncent une « rage théologique meurtrière » (Ferdinand Buisson), voire les prémisses d’un totalitarisme (Robert Kingdon), qui trouverait son paroxysme dans la célèbre « affaire Servet » : « Dictateur tyrannique et sans scrupule, Calvin aurait tenu Genève, sa patrie d’adoption, dans une main de fer[2] ».
Mais que savons réellement de cette histoire? Calvin est-il cet homme que l’on prétend animé d’une intransigeance fanatique imposant sa volonté au peuple Genevois? Le but de cet article est de déconstruire une idée reçue en éclairant les faits par le contexte, selon une démarche historienne.
Comme l’écrit Patrick Cabanel, « l’historien n’est pas un moraliste : il pèse les forces, les objectifs des acteurs, les moyens qu’ils ont de les réaliser[3] ». Le « crime de Calvin », cette «tâche noire » dans sa biographie, nous est sensible à partir de valeurs modernes comme la Tolérance. Or ces valeurs n’existaient pas au XVIe siècle ; nous le jugeons à partir d’un nouvel ordre que, en réalité, Calvin et le protestantisme ont contribué à […]