La comparaison n’est pas purement liée d’ailleurs à leurs présences régulières à la quinzaine mais aussi à leurs capacités à filmer les réalités sociales qui les entourent. Avec Baccalauréat, Mungiu met encore dans le mille et se positionne comme l’un des favoris de l’édition 2016. 

Romeo, médecin dans une petite ville de Transylvanie, a tout mis en œuvre pour que sa fille, Eliza, soit acceptée dans une université anglaise. Il ne reste plus à la jeune fille, très bonne élève, qu’une formalité qui ne devrait pas poser de problème : obtenir son baccalauréat. Mais Eliza se fait agresser et le précieux sésame semble brutalement hors de portée. Avec lui, c’est toute la vie de Romeo qui est remise en question quand il oublie alors tous les principes qu’il a inculqués à sa fille, entre compromis et compromissions…

L’histoire de Roméo est en effet, comme cela est souvent le cas dans la réalité, une histoire à tiroirs. Tout s’emboîte subtilement, sans compliquer les choses, ni les coïncidences. Une fois qu’on a accepté la marque du destin, tout s’enchaîne logiquement. Et cette « marque » passe par la bouche de l’innocente Eliza : « Dépose-moi, je passerai à travers le chantier, ça ira plus vite », alors que papa Roméo la conduit comme tous les matins au lycée. Mauvaise idée, mais il ne se fait pas prier car il pourra ainsi passer quelques minutes chez sa maîtresse. Et voilà, l’affaire est lancée…

Le thème de film, c’est Christian Mungiu qui en parle sans doute le mieux : « Baccalauréat est une histoire sur les compromis et les principes, sur les décisions et les choix, sur l’individualisme et la solidarité́ mais aussi sur l’éducation, la famille et sur le vieillissement. »Avec tous ces ingrédients, se construit alors une histoire palpitante et émouvante. La mise en scène est remarquable et limpide avec notamment plusieurs plans séquences magnifiques, doublée d’acteurs excellents et en particulier Adrian Titieni, en père médecin pris dans un engrenage dévastateur. Même si la tonalité restituée est assez grise, Baccalauréat est un film lumineux et utile, radiographiant l’âme humaine qu’elle soit roumaine ou de quelque nationalité que ce soit. Car si Mungiu évoque un certain mal qui ronge la société roumaine, l’ensemble va bien plus loin et rejoint chacun dans ses propres choix de vie, compromis personnels, mensonges ou décisions passées qui influencent son avenir.

Dans une scène, Roméo explique à sa fille qu’il pense avoir eu tort de rentrer en Roumanie après ses études, qu’ils étaient (lui et sa femme) de la génération d’après la chute des Ceausescu et qu’ils voulaient changer le pays, le sortir des impasses de la dictature, « mais nous n’avons rien changé du tout ». Il y a une sorte de pessimisme latent que reconnaît d’ailleurs Mungiu. Mais, pour moi, apparaît malgré tout une forme d’espoir au travers du personnage d’Eliza. Elle ne tombe pas dans le piège de la corruption. Elle résiste. On l’observe aussi dans la justesse de son analyse face à son père où malgré une révolte compréhensible vient finalement s’ouvrir une porte qui rétablit la relation et offre même à Roméo de finir par dire « Papa t’aime ! ».