Un peu plus discrète que dans les romans de Frank Herbert, la religion reste omniprésente dans la version cinématographique de Dune proposée par Denis Villeneuve. Petit rappel de l’histoire alors que la deuxième partie de Dune sort ce mercredi dans les cinémas français. Dix mille ans avant le début du récit, une terrible guerre opposant les humains et les ordinateurs a mis l’univers à feu et à sang. Une période dite de “Jihad butlérien”, dont les humains sont sortis vainqueurs. Depuis, la société est régie par un tabou fondamental selon lequel : “Tu ne feras pas de machine à l’esprit de l’homme semblable”, rappelait Choisir lors de la sortie de la première partie. Ce commandement est inscrit dans la Bible catholique orange (une couleur qui fait référence à l’Ordre d’Orange, une organisation fraternelle protestante active en Irlande du Nord), un ouvrage rédigé grâce au travail œcuménique des représentants des grandes religions de tout l’univers. Mais face à la popularité de la Maison Atréides, la Maison Harkonnen, sa rivale de toujours, s’allie secrètement à l’empereur afin de l’éradiquer.
Lors de la sortie de la première partie de Dune, en 2021, la revue suisse soulignait que si les nomades opprimés sont profondément religieux, voire fanatiques, les élites de l’Empire, elles, sont globalement agnostiques. Néanmoins, les éléments religieux sont omniprésents, même dans le film où, comme dans les livres, rien ne prouve l’existence de Dieu ou d’une dimension surnaturelle dans l’univers. En revanche, les spectateurs voient ce qui se passe quand la religion interagit avec le pouvoir. Et comme la science, la foi comble le besoin de sens des humains. L’une et l’autre aident à conjurer l’incertitude.
Les rapports entre la religion et le pouvoir politique
Toujours en 2021, Fabrice Chemla, spécialiste de Dune et professeur de chimie à la Sorbonne, confirmait à La Vie l’accent focalisé sur les rapports entre la religion et le pouvoir politique. Un volet plus important que l’écologie. Dans ses cinq premiers livres, Frank Herbert décrit la mise en place d’une théocratie par le biais d’un messie, Paul Atréides. Le messianisme de Dune s’inspire en grande partie de l’islam chiite et de son Mahdi. Ce dernier imam “occulté” doit revenir afin de diriger la communauté des croyants.
Si Frank Herbert parle de “Jihad”, Denis Villeneuve, lui, a préféré faire l’impasse sur ce terme pour éviter les polémiques. En revanche, comme dans les livres, il utilise le terme de “croisade” pour évoquer le combat du héros, Paul. Selon Fabrice Chemla, Frank Herbert a écrit Dune pour démontrer qu’il faut se méfier des surhommes. Or, la figure du prophète introduite par les religions monothéistes est l’archétype de ce super-héros. “Il a essayé de montrer comment les systèmes sociaux, en particulier le système religieux, pouvaient être dangereux, car ils prennent l’ascendant sur les humains”, expliquait-il à La Vie. Pour l’auteur, la religion repose, comme d’autres systèmes, sur un paradoxe : elle permet un contrôle sur l’humain tout en promettant sa libération.
Fabrice Chemla souligne également le fait que la thématique religieuse n’est pas étrangère à la science-fiction. D’autres auteurs, dont Serge Lehman, vont jusqu’à soutenir que l’objet principal de la science-fiction est la rencontre avec Dieu.