Au cinéma ce 13 novembre, le second long-métrage très attendu de Yôko Yamanaka, Desert of Namibia, présenté à la Quinzaine des Cinéastes au dernier Festival de Cannes, où il a décroché le prix FIPRESCI de la critique internationale pour les sections parallèles. Drame intimiste, étonnant dans sa forme, qui nous plonge dans un univers où la quête de sens et la profondeur des émotions sont palpables, il offre un miroir saisissant aux questionnements d’une génération Z et Alpha japonaise marquée par l’incertitude.
Pour Kana, jeune japonaise de 21 ans, la vie est une succession d’instants sans saveur. Même tomber amoureuse ne sert qu’à faire passer le temps. Insatisfaite de sa relation avec Honda, un garçon attentionné, elle le quitte pour Hayashi, un jeune homme plus excentrique. Entre tribulations professionnelles et sentimentales, Kana se cherche.
L’originalité de Desert of Namibia repose notamment sur la capacité de Yôko Yamanaka à tracer ses personnages avec grande authenticité. L’histoire se concentre sur Kana, une jeune tokyoïte de 21 ans, aux racines chinoises, interprétée par Yumi Kawai terriblement magnétique à l’écran. Évoluant dans une existence monotone et sans relief, Kana tente de trouver sa voie. Lassée de sa relation avec Honda, un garçon attentionné mais prévisible, elle se tourne vers Hayashi, un homme plus excentrique, espérant que cette rencontre bouleversera son quotidien. Mais cette décision déclenche une série d’épreuves qui mettront à nu les failles de son caractère et l’amèneront à reconsidérer à nouveau ses choix. Lorsque nous rencontrons Kana pour la première fois, alors qu’elle rejoint une amie dans un bar, nous ne savons pas grand-chose d’elle, si ce n’est son apparence vestimentaire plutôt babacool et son humeur enjouée qui semble s’estomper facilement. Très vite, elle commence à sombrer dans le marasme au cours de cette scène d’introduction, alors qu’on lui annonce le suicide d’une connaissance – une nouvelle sur laquelle elle ne peut se concentrer pleinement en raison d’une conversation sans rapport qui se déroule à proximité, où il est question de restaurant à fondue où les serveuses n’ont pas de culotte…
Au-delà du brouillard
Le film montre souvent Kana comme une victime des structures sociales masculines (professionnellement, personnellement et même médicalement, lorsqu’elle essaie de chercher de l’aide), mais plutôt que d’être entièrement coupable de son état d’esprit ou d’être une victime impuissante, elle reste piégée dans un cercle vicieux de causes et d’effets, avec peu de promesses d’évasion et donc un manque crucial d’espérance qui transparait tel un gouffre sans fond. Dans ses deux relations « amoureuses » ce qui est frappant c’est le manque de sincérité et d’engagement qui apparaissent. Yamanaka saisit d’ailleurs avec un sens particulier du retrait, les accès de colère de Kana et Hayashi, qui n’ont guère de sens, à partir d’un espace d’insatisfaction qu’aucun des deux personnages ne comprend. On le comprend assez vite, avec Desert of Namibia ce n’est pas juste observer la vie embrouillardée de Kana qui nous est offerte, il y a une lecture métaphorique possible : comme une invitation à plonger dans une introspection plus profonde. Par les choix narratifs de Yamanaka qui se fixent sur le vide existentiel de cette jeune femme et ses multiples paradoxes, le film conduit le spectateur à la réflexion, tant sur nos propres choix que sur notre façon de concevoir le bonheur et la réussite. Après la projection, cette quête reste possiblement en nous, incitant chacun à reconsidérer ses attentes et ses doutes.
Yumi Kawai, dans le rôle de Kana, livre une brillante interprétation par sa justesse, sa sensibilité et sa capacité à transmettre des émotions complexes. Kawai ne joue pas seulement le rôle de cette jeune femme, un peu bipolaire aux sautes d’humeur permanentes, obligée de vivre dans ce monde chaotique, sans aucun désir précis… elle en devient l’essence même, rendant chaque étape de son parcours profondément émouvante. Son personnage (et peut-être même le film, avec elle) est difficile à véritablement aimer, et ce n’est d’ailleurs sans doute pas l’objectif fixé, mais elle dit quelque chose de la vie et des difficultés d’une génération en perte de repères et de sens.