« L’espoir… l’espoir face à la difficulté… l’espoir dans un contexte d’incertitude… l’audace de l’espoir! […] le plus grand don de Dieu. Cette croyance dans les choses qui ne se voient pas. Cette croyance en des jours meilleurs ». Cette petite citation de l’un des meilleurs orateurs contemporains illustre le pari de ce blog*. Rien de tel que les histoires qui nous bouleversent, qui réchauffent notre cœur, qui nous font réfléchir et nous invitent au bien-être et à l’évasion. Pour supporter et traverser ce moment, mettre des mots sur notre histoire.
S’évader littérairement
Le titre et la couverture du dernier livre de Jürgen Moltman** produisent leur effet de surprise, en même temps que l’annonce du confinement, à mon retour de Jordanie :
The Spirit of Hope – Theology for a World In Peril, Westminster John Knox Press, 2019
L’Esprit de l’Espérance – Une Théologie pour un Monde en Péril
L’histoire littéraire est pleine d’actualité. Au Moyen-Age, Martin Luther préconisait la prudence et la solidarité durant la peste noire. Aujourd’hui, Jürgen Moltmann ajoute l’espoir à la tâche actuelle de la théologie, illustrée par sa devise médiévale: tant que je respire, j’espère. Dum spiro, spero !
Dès 1527, en effet, moins de 200 ans après que la peste noire ait tué environ la moitié de la population européenne, entre 1347-1353, d’après Réforme**, le fléau réapparaît à Wittenberg en Allemagne, la ville de Luther. Dès cette première semaine de confinement, Christianity Today nous rappelle que dans l’une de ses lettres***, le célèbre réformateur s’adresse aux citoyens ordinaires face à la contagion. Il écrit alors ces mots sages, qui peuvent nous étonner et nous faire réfléchir :
« Je demanderai à Dieu par miséricorde de nous protéger. Ensuite, je vais enfumer, pour aider à purifier l’air, donner des médicaments et les prendre. J’éviterai les lieux, et les personnes, où ma présence n’est pas nécessaire pour ne pas être contaminé et aussi infliger et affecter les autres, pour ne pas causer leur mort par suite de ma négligence. Si Dieu veut me prendre, il me trouvera sûrement et j’aurai fait ce qu’il attendait de moi, sans être responsable ni de ma propre mort ni de la mort des autres. Si mon voisin a besoin de moi, je n’éviterai ni lieu ni personne, mais j’irai librement comme indiqué ci-dessus. Voyez, c’est une telle foi qui craint Dieu parce qu’elle n’est ni impétueuse ni téméraire et ne tente pas Dieu. »
« Nous pouvons le dire sans exagération, nous vivons dans des temps troublés » : dans le contexte actuel, expose Moltmann, le christianisme dessine toujours le futur promis par Dieu, qui agit chaque jour au présent et prépare le futur. Mais réfléchir à la puissance de l’espérance ne revient pas à se mettre à la remorque de la réalité; bien au contraire. L’espérance marche en tête du cortège du réalisme, elle éclaire sa route de son propre flambeau. Imagine de nouvelles solidarités.
Pour l’éthique, la catégorie de l’eschatologie est d’abord celle du novum, c’est-à-dire, de ce qui est nouveau : nouvel esprit, nouveau cœur, nouvel homme, nouvelle alliance, nouveau cantique, car il y a, le fondateur et ultime : « Voici, je fais toutes choses nouvelles » (Ap 21,5). Moltmann espère que ses lecteurs en seront d’accord : « à la lumière de notre foi chrétienne, nous pouvons honnêtement et de toutes nos forces assumer les défis de l’humanité contemporaine, en faisant une expérience et en instillant un espoir réaliste qui les transcendent. » Pour Réinventer les aurores (Fayard 2020), selon la belle expression du grand rabbin de France, Haïm Korsia.
Dum spiro, spero, c’est l’espoir immanent du pari de la foi (H.-C. Askani, 2019)***** :
« Ainsi, l’homme croyant ne se trouve pas des deux côtés – du sien et de celui de Dieu – en même temps; au contraire, l’homme reste de son côté, et Dieu du sien ; mais de son côté, Dieu est en l’homme, celui qui espère. De sorte qu’espérer signifie pour l’homme : laisser Dieu espérer pour lui. »
* Cf. La spiritualité en 365 citations – Un art de vivre, Anthologie de David Gonzalez, Éditions Empreinte temps présent, 2019, p. 144 : Barack Obama, Discours choisis, Anthologie de Juliette Bourdin, Gallimard, 2018.
** Jürgen Moltman, The Spirit of Hope – Theology for a World In Peril, Westminster John Knox Press, 2019
*** « En quelques années, la peste noire a fait disparaître plus d’un quart de la population européenne du Moyen Âge. Avec quelles conséquences ? Les gens mouraient sans serviteur et étaient ensevelis sans prêtre. Le père ne visitait pas son fils ni le fils son père. La charité était morte et l’espérance abattue. » Louis Fraysse, Réforme du 19 juin 2019 : « […] entre 1347 et 1353, cette pandémie, unique dans l’Histoire par sa létalité, a rayé de la carte entre 25 et 60 % de la population de l’Europe, du Maghreb et du Proche-Orient. »
*** Œuvres de Luther, Volume 43, p. 132 la lettre « Que l’on puisse fuir une peste mortelle » écrite au révérend Dr. John Hess. Emy Yang, Cf. https://www.christianitytoday.com/ct/2020/march-web-only/martin-luther-coronavirus-covid-19-chine-france-francais.html : Luther met les chrétiens au défi de considérer la possibilité de soigner les malades comme celle de soigner le Christ lui-même (Matthieu 25.41–46) ».
**** Haïm Korsia, Réinventer les aurores, Fayard, 2020
**** Cf. Hans-Christoph Askani, Le pari de la foi, Labor et Fides, Genève, 2019, pp. 120 et 124 in Martin Luther, Commentaire de l’Épître aux Romains, MLO, XIIc.