Si la banlieue fait l’actualité, souvent sous un angle difficile, il ne faudrait pas oublier que c’est un haut-lieu de l’impressionnisme avec ses villages paysans et ses guinguettes joyeuses où l’on venait s’amuser le dimanche.
La banlieue est donc, au travers de cette exposition, réévaluée à travers le prisme de l’art. On connaît l’importance des motifs de la banlieue parisienne dans l’histoire de la peinture moderne. Ce terme de banlieue a aujourd’hui pris d’autres couleurs beaucoup plus sombres, terni par une médiatisation hélas assez désastreuse. Derrière ce mot pourtant une réalité qui peut se voir autrement, avec beaucoup de charme. Des jolies villes et villages des bords de Marne ou de l’Oise à l’industrialisation des quais de Seine, la banlieue a su séduire les Parisiens en mal de calme et les entrepreneurs du monde post-révolution industrielle.
Un panorama de la peinture de la banlieue parisienne « aussi vaste », avec sa « partie gaie » et son côté « noir, beaucoup moins agréable, est inédit », souligne Véronique Alemany, l’une des commissaires de l’exposition.
L’Atelier Grognard a en effet réuni près de 150 œuvres d’artistes célèbres, parmi lesquels on retrouve Caillebotte, Cézanne, Corot, Daubigny, Lhote, Gromaire, Dufy, Picabia, Vlaminck…
Dans une incarnation d’une certaine vivacité et d’une vraie liberté des artistes à partir du XIXème siècle, certains de ses peintres choisissent de transporter leur chevalet, pinceaux et tubes dans leur panier à pique-nique pour peindre avec bonheur et délicatesse les joies des jours fériés et des premiers congés payés. Ceux-là préfèrent souligner l’avènement des loisirs, thème léger et coloré : les canotiers des bords de Marne inspirent Marcel Gromaire et Raoul Dufy tandis que Maurice Utrillo s’intéresse aux « Guinguettes à Robinson ».
Mais la représentation de la banlieue peut aussi, pour d’autres, s’inscrire dans une démarche de dénonciation du « progrès », alors la palette s’assombrit et l’oeuvre se charge d’une connotation politico-sociale dès les années 1880 (Paul Signac, Armand Guillaumin et Maximilien Luce), pour s’affirmer dans la première moitié du XXe siècle (Albert Gleizes, Maurice de Vlaminck, Jean Lugnier, Jean Delpech, Jean Fautrier dans sa période figurative, Michel de Gallard, membre du mouvement qualifié de « misérabiliste »). Le regard se focalise par exemple sur les carrières de Gentilly, le transport fluvial dans « Les Péniches » de Vlaminck (1910) ou encore les fumées industrielles qui commencent à obscurcir le ciel dans « Jours de marché à Courbevoie » (1905) d’Albert Gleizes.
Ce sont tous ces motifs et ces approches picturales que l’exposition Peindre la banlieue s’attache à valoriser, mettant ainsi à l’honneur la place de la banlieue dans l’histoire de l’Art. Cette exposition a pu voir le jour grâce aux prêts, entre autres, du musée d’Orsay, du musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, du musée de l’Orangerie et des musées des Beaux-Arts de Reims, Orléans, Lyon et Lille, de la Fondation Gleizes et de collectionneurs privés.
Une très belle exposition à visiter encore jusqu’au 10 avril.