Son maître d’œuvre, Philippe Forest, explique à Réforme en quoi ce grand poète reste notre contemporain.
Des éclats de nuit. Regards. Étoiles. Abandonnez toute chance de maîtrise. Laissez dormir sur le bas-côté les clichés – « C’est vraiment surréaliste », affirment les badauds qu’un rien déconcerte – et retrouvez le fil, un fil d’or, un fil qui croise et recroise la peinture, la littérature et la photographie, le cinéma, la danse et le théâtre, un fil qui tisse la conscience et la subconscience, l’invisible aussi bien que le tangible. Un magicien travaille à son métier pour vous. Quel âge a-t-il ? On ne compte plus ses années. Les dictionnaires prétendent qu’il naquit le 19 février 1896 à Tinchebray, département de l’Orne, et qu’il mourut le 28 septembre 1966 à Paris. Mais qu’en savons-nous vraiment ? Ce diable d’homme a publié voici tout juste cent ans le premier Manifeste du surréalisme. André Breton nous revient, jeune comme jamais, dans un volume de « La Pléiade ». Le surréalisme sur papier bible, on ne pouvait manquer le rendez-vous.
Définir le surréalisme, un terme inventé par Guillaume Apollinaire en 1917, serait commettre une faute, enfermer ce qui justement s’applique à rejeter le conformisme. Indissociable de la Première Guerre mondiale, mais par l’absurde, il se veut une réponse à la hauteur de l’épouvante. Si Tristan Tzara, l’animateur du mouvement dada, s’était porté aux avant-postes, il avait trop versé dans la caricature, une forme de nihilisme aussi pour emporter l’adhésion, convaincre. Avec Aragon – tous deux se sont rencontrés pendant la guerre, étudiants carabins du Val-de-Grâce –, André Breton s’est d’emblée voulu ouvert à toutes les disciplines, intellectuelles autant qu’esthétiques. « Il ne voulait pas seulement que le surréalisme soit […]