Après avoir été présenté dans la section Cannes Première lors du dernier Festival, La Nuit du 12 sort ce mercredi de début juillet. L’histoire d’un homicide non résolu comme tant d’autres, tel est le postulat original qui nous annonce la couleur dès les toutes premières images, histoire de ne pas nous fixer non plus, comme spectateur, sur la seule quête policière mais ouvrir son regard ailleurs…
Inspiré d’une trentaine de pages du livre enquête de Pauline Guéna : 18.3 : une année à la PJ (Denoël, 2020), le film raconte l’enquête menée suite à l’homicide d’une jeune femme qui rentrait seule chez elle la nuit et qui a été aspergée d’essence, puis brûlée vive.
Yohann, un policier de la PJ de Grenoble, est chargée de l’affaire. Accompagné par ses collègues qui en ont vu beaucoup d’autres, Yohann est obsédé par ce meurtre mystérieux, par son mode opératoire abject et par l’étrangeté des principaux suspects, des hommes de tous âges qui semblent avoir entretenu des relations intimes avec la victime.
L’objet du film n’est pas dans une construction traditionnelle de polar ou d’autre thriller traditionnel, même si Marceau (Bouli Lanners) et son collègue Yohan (Bastien Bouillon) deviennent hantés par ce crime non résolu. Les deux acteurs d’ailleurs s’investissent tous deux dans leurs rôles respectifs avec délectation, donnant vie à leurs personnages et à toutes leurs petites particularités. Mais donc, même si la PJ s’affaire à enquêter, l’intérêt est ailleurs… Le cinéaste se plonge donc autrement dans l’affaire en explorant l’atmosphère d’une enquête dans le contexte provincial, Grenoble et ses montagnes environnantes comme toile de fond impressionnante mais aussi oppressante, pour être plus précis.
Ce sont surtout les attitudes de la société française face au sexisme, à la misogynie et aux relations complexes entre les hommes et les femmes qui, le plus souvent, s’avèrent défavorables aux femmes.
“En français, une ‘fille facile’; c’est pas pareil qu’une ‘fille pas compliquée’ !” restera ainsi l’une des répliques fortes que Marceau dira à l’un de ses collègues. Dominik Moll, avec finesse, replace ainsi l’intégrité de la jeune Clara au cœur des réflexions et des pistes qui s’ouvrent pour l’enquête, et lui donne une forme de tribune posthume pour l’affranchir de ce que ses multiples amants livrent d’elle.
La Nuit du 12 est structuré, à la façon d’une œuvre théâtrale, en trois actes distincts.
Le début présente le crime et les personnages. La partie intermédiaire s’intéresse aux témoins et aux coupables potentiels, tandis qu’un sentiment de déjà-vu et de frustration s’installe lentement, le temps passant sans que l’on parvienne à résoudre le crime ou à éliminer les suspects.
La dernière partie se déroule trois ans plus tard, alors que l’affaire a été classée comme “non résolue”. Yohan, plus expérimenté maintenant, pense toujours à cette affaire comme étant “l’affaire qui a échappé à la justice”. Dans cette dernière partie, les choses se féminisent enfin, puisque Nadia (Mouna Soualem), une collègue féminine, est ajoutée à l’unité et qu’une femme juge (l’actrice chevronnée Anouk Grinberg) souhaite rouvrir l’affaire. Bien que cela permette à Moll de contraster ce qui a longtemps été le statu-quo dominé par les hommes dans les services de police (“des hommes qui commettent les crimes et des hommes qui enquêtent”… comme le dira l’un des personnages de l’histoire) avec une sorte de nouvelle ère qui ressemble un peu plus à la réalité, ce choix fait également peser sur le troisième acte, relativement court, la charge de rendre enfin visibles tous les thèmes plus latents des deux premières parties.
La nuit du 12 est un grand film noir qui reste en tête, sans doute l’une des meilleures propositions cinématographiques française de l’année !