Il était une fois, dans un grand bois, un pauvre bûcheron et une pauvre bûcheronne. Le froid, la faim, la misère, et partout autour d´eux la guerre, leur rendaient la vie bien difficile. Un jour, pauvre bûcheronne recueille un bébé. Un bébé jeté d’un des nombreux trains qui traversent sans cesse leur bois. Protégée quoi qu’il en coûte, ce bébé, cette petite marchandise va bouleverser la vie de cette femme, de son mari et de tous ceux qui vont croiser son destin, jusqu’à l’homme qui l’a jeté du train. Leur histoire va révéler le pire comme le meilleur du cœur des hommes.

Inutile parfois de vouloir chercher à être original… Michel Hazanavicius résume l’histoire de Grumberg, et donc son scénario, de la plus claire des manières : « C’est une histoire profonde, puissante, humaniste, en même temps que délicate et modeste. » Il la considéré comme un véritable cadeau.

L’histoire de Moïse et l’horreur de l’Holocauste

La plus précieuse des marchandises est une fable, façon hymne à l’amour, qui revisite d’une certaine façon l’histoire de Moïse, cet enfant offert au courant d’eau pour lui donner la possibilité de survivre et être accueilli… Nous suivons ici la vie d’un bébé juif jeté par la fenêtre d’un train se dirigeant vers un camp de la mort. Les personnages principaux sont un pauvre bûcheron polonais (voix de Grégory Gadeois) et sa femme (Dominique Blanc), de simples paysans nourris de pensées antisémites sans jamais prononcer le mot « juif ».

Au fil du film, ils apprendront (comme la bûcheronne saura amener son mari à le dire) que « les sans-cœur ont un cœur ». Et de peur que le poids du matériau n’échappe à une âme, Hazanavicius oriente le projet vers un territoire plus ouvertement historique dans la dernière ligne droite, offrant des images obsédantes de personnages effrayés entassés dans des trains et empilés dans des fosses communes. La grande force de la proposition d’Hazanavicius se situe dans le fait qu’il a trouvé la justesse et l’équilibre nécessaire pour aborder non seulement les horreurs de l’Holocauste, mais aussi (et surtout) le type de bonté qui l’a combattu, créant ainsi une parabole destinée à être regardée et partagée par les générations à venir.

La plus précieuse des marchandises ne s’intéresse en fait véritablement ni aux coupables ni aux victimes, mais à ces « justes », des gens souvent ordinaires qui ont essayé parfois de rester neutres – comme si cela était possible – jusqu’à ce qu’ils soient « obligés » de s’engager et d’aimer, parfois au prix même de leur propre vie.

Un film comme un roman graphique

Le film est peut-être animé, mais ce n’est pas un dessin animé conventionnel. Dessiné de la main du réalisateur, il ressemble plutôt à un roman graphique qui prend vie, rendu par des traits épais et sombres. Un esthétisme singulier, fait d’une certaine austérité qui convient on ne peut mieux à cette histoire. Hazanavicius explique : « Oui, l’animation correspond bien à l’idée de ne pas être trop lourd. L’animation, c’est de l’ultra-fiction, alors que la prise de vue réelle tente de faire croire qu’on représente la réalité. Dans un film d’animation, rien n’est réel et c’est visible, assumé. Il y a déjà une distance imposée par le format. » Mais le comportement des personnages humains ne manque non plus pas de cœur. Bien au contraire ! Comme lorsque la femme échange le châle du bébé contre une tasse de lait de chèvre offerte par un voisin acariâtre (voix de Denis Podalydès), un vétéran de la Grande Guerre dont le visage a été défiguré par des éclats d’obus.

Et le moment le plus émouvant est celui où le bûcheron cède, incapable de résister plus longtemps aux charmes de l’enfant qui sait lui montrer son cœur et la force implacable de l’amour.

Et puis il y a la voix du regretté Jean-Louis Trintignant… et puis il y a la musique d’Alexandre Desplat…