On est à Venise, dans le Quattrocento italien. C’est le début de la Renaissance. On découvre l’humanisme, la prise de conscience de l’existence autonome de l’esprit humain. Jusqu’ici les peintres ne représentaient les personnages que dans leur participation à une scène biblique ou religieuse, sans jamais suggérer qu’ils aient pu avoir une pensée personnelle. Cet emprisonnement dans une pensée unique est en train de disparaître. Justement Giovanni Bellini se trouve à la jointure de ces deux manières de penser et de peindre.
Cette exposition le montre clairement, il est encore dans le giron de l’Église : il ne peint que des Madones avec l’Enfant Jésus ! Mais quelques années ont suffi pour qu’il évolue. Voyez le style encore gothique de sa « Vierge d’Humilité » : sa magnifique auréole porte une inscription latine lui attribuant le titre de « Mère Reine ». Son visage n’exprime aucun sentiment, non plus que celui de l’Enfant Jésus dont le geste de bénédiction est stéréotypé. Certes, en arrière-plan, un désir de réalisme a poussé Bellini à peindre des paysages de montagnes (il n’en avait manifestement jamais vu !) et de villes orientales. Mais ce n’est qu’un très petit élan novateur.
Par contre, 40 ans après, sa Vierge à l’Enfant nous situe en pleine spiritualité humaniste. L’Enfant Jésus s’est éveillé à la vie : son regard tourné vers le haut révèle une pensée personnelle. Elle suggère peut-être une réflexion tournée vers son avenir, son ministère ou tout simplement vers la découverte du […]