La vie d’Olfa, Tunisienne et mère de quatre filles, oscille entre ombre et lumière. Un jour, ses deux filles aînées disparaissent. Un voyage fait d’espoir, de rébellion, de violence, de transmission et de sororité.
Inspiré du film Close-Up d’Abbas Kiarostami, Les filles d’Olfa raconte le processus de tournage d’un film basé sur cette matriarche et ses quatre filles. Ben Hania engage deux actrices – Nour Karoui et Ichraq Matar – pour jouer les filles disparues d’Olfa, Rahma et Ghofrane, et une autre (Hend Sabri) pour jouer le rôle d’Olfa pendant les moments jugés trop traumatisants pour être reconstitués par Olfa elle-même. Les autres filles d’Olfa, Eya et Tayssir, jouent leur propre rôle. Ensemble, cette équipe met en scène des souvenirs, créant une version fictive des événements vécus par Olfa et sa famille pour les aider à se détacher de leur emprise sur le présent. C’est une film témoignage d’une grande force qui donne une certaine compréhension d’un basculement possible dans le fondamentalisme musulman.
Kaouther Ben Hania, dans son cinquième long métrage, utilise cette expérience pour étirer l’histoire d’Olfa, afin de développer un récit passionnant sur la mémoire, la maternité et les traumatismes éducatifs et religieux. « Je déteste les filles. Je n’ai jamais voulu de filles », dit Olfa. Et pourtant, elle en a eu quatre. Seules deux d’entre elles, Eya et Tayssir, sont restées dans leur maison en Tunisie. C’est notamment le contrôle moral de leurs vies qui a conduit à la perte des deux filles aînées. Ayant le choix entre être étiquetées comme des « putes » ou embrasser la religion, elles ont opté pour cette dernière. Peu à peu, elles se sont radicalisées au point de rejoindre l’État islamique en Libye. Elles sont d’ailleurs aujourd’hui toujours en Libye, en prison, avec la fille de Ghofrane. Pendant ce temps, Olfa et ses deux plus jeunes enfants restantes font campagne pour leur rapatriement et tentent de trouver un moyen de briser le cycle de souffrance de la famille – une « malédiction » qui se transmet de mère en fille à chaque nouvelle génération.
C’est un film qui met parfois mal à l’aise et qui, à certains moments, soulève des questions éthiques épineuses compliquées. Comme une thérapie, le film emmène ses participants dans des endroits douloureux.
Majd Mastoura, qui joue tous les personnages masculins, interrompt le tournage d’une scène poignante dans laquelle Eya fait face aux abus qu’elle et ses sœurs ont subis de la part du petit ami de sa mère. La suite est importante : Eya insiste sur le fait que cette scène est essentielle.
Les filles d’Olfa a aussi le mérite d’être d’un formidable intérêt pour observer certains mécanismes de basculement dans le radicalisme religieux, générés par la peur, la manipulation, mais aussi parfois tout un système éducatif et culturel. Étonnamment, ce film audacieux, porteur dans son essence d’une certaine violence, est aussi parfois joyeux, débordant de fraîcheur (notamment par l’expression des deux petites sœurs) et finalement porteur d’espérance.