Entrer dans La maison vide de Laurent Mauvignier, c’est s’engager dans un livre de 750 pages, aux phrases longues et sinueuses, souvent déroutantes au début. Quand on passe le cap des 100 premières pages, on plonge alors avec délice dans cette fresque de l’histoire de la France rurale au XXe. Le narrateur revient dans la maison héritée par son père pour sonder les désirs, les fêlures, les silences de ceux qui y ont habité.

À partir de quelques objets, une Légion d’honneur, un immense piano noir, un album de photos où le visage d’une personne est découpé, il s’interroge sur le suicide de son père quand il avait 16 ans, sur sa grand-mère tondue à la Libération. Il procède par tâtonnements, par suppositions, pour remonter l’histoire de sa famille sur quatre générations. Et c’est tout un siècle qui resurgit, qui s’éclaire avec justesse, tel un puzzle qui se reconstruit avec des portraits saisissants, des descriptions de sentiments pétris d’incompréhension, de honte, de douleur ; et finalement un regard plein d’empathie pour les siens. Avec une écriture précise, pondérée, un souffle dense, presque vertigineux, il délivre une ode pleine de bruit et de fureur, de violence faite aux femmes soumises au pouvoir patriarcal, mais aussi aux hommes envoyés sur le front comme de la chair à canon. Un roman magistral qui transcende son sujet pour construire un récit universel, où des destins se croisent, se brisent, sans jamais se comprendre.  

Des images poétiques

Dans Entre toutes, Franck Bouysse aborde un registre plus intime que dans ses précédents romans, tel son éblouissant Né d’aucune femme. Avec une pudeur saisissante, il reconstitue la vie de Marie née en 1912 en Corrèze, une paysanne qui a traversé les deux guerres avec courage et dignité. Son père est rentré traumatisé des tranchées, brisé à tout jamais. Marie a ensuite traversé la grande dépression, connu les affres de l’Occupation, la division […]