« Anéantir, le roman de Houellebecq, le plus politisé, le plus catholique… et le plus raté. » Le Nouvel Observateur ne mâche pas ses mots pour décrire la dernière œuvre de Michel Houellebecq, écrivain autant admiré que décrié. Dans Anéantir, l’auteur raconte l’histoire de Paul Raison, personnage principal, haut fonctionnaire au Ministère de l’Economie et des finances. Il y est question de son couple, de campagne présidentielle, de vidéos terroristes, de vieillesse, de maladie, de compassion, etc.

La vision du catholicisme de Michel Houellebecq a déjà fait l’objet de différentes études. En janvier 2022, un ouvrage collectif, Misère de l’homme sans Dieu. Michel Houellebecq et la question de la foi, a été publié aux Éditions Flammarion Champs Essai. Le but du livre ? « Sonder l’horizon de son œuvre ».

Le résumé explique :

« Scientifique de formation, positiviste par conviction, l’écrivain semble avoir cru un moment que la science pourrait se substituer aux religions traditionnelles. Et pourtant, toute son œuvre est hantée par cette question, héritée d’Auguste Comte, de la religion comme unique ciment possible du corps social (…) À l’évidence, religion et littérature apparaissent comme deux espaces de résistance face à la perte de sens qui afflige le monde contemporain. Et si la littérature, en proposant d’atteindre une forme de vérité, nous permettait d’accéder à une certaine transcendance ? »

Un auteur romantique

Houellebecq, auteur complexe, fin sociologue de notre société contemporaine, comme l’est sa pensée. Dans un article universitaire intitulé « L’apologie du catholicisme dans les romans de M. Houellebecq : une conjugaison du conservatisme moral et de l’antilibéralisme économique » (disponible ici en ligne), le sociologue et spécialiste du catholicisme Yann Raison Du Cleuziou soulève :

« Loin de moi l’idée de faire de Michel Houellebecq un auteur catholique, de qualifier ses romans de catholiques ou même d’affirmer que le catholicisme est le cœur de sa critique des sociétés occidentales. Mais prêter attention aux références au catholicisme dans ses romans permet de saisir avec profondeur l’interpénétration de son conservatisme et de son antilibéralisme. Cette association n’a rien d’original et rejoint la pensée des auteurs réactionnaires (Bonald, Maistre) ou conservateurs (Burke, Tocqueville) qui ont critiqué la philosophie des Lumières ou l’idéal démocratique au nom des conséquences sociales insoutenables de l’individualisme qui en résulterait. »

Plus loin, Yann Raison Du Cleuziou note :

« Le catholicisme est à la fois un objet et un registre d’expression du romantisme houellebecquien, il apparaît constitutif d’un possible collatéral dont la voie aurait pu donner aux héros le bonheur qu’ils cherchent et dont ils sont privés, faute de pouvoir atteindre ce possible dont l’âge contemporain les déshérite. »

L’historien et sociologue protestant, Sébastien Fath s’est également intéressé à la question. Il est l’auteur d’un cycle de cours intitulé « Houellebecq et la religion », dont le pdf est disponible en ligne. Dans un chapitre dédié au catholicisme, le sociologue rappelle en citant des interviews de l’hebdomadaire La Vie, que Michel Houellebecq, dont l’adolescence a été marquée par le catholicisme, se définit aujourd’hui comme agnostique.

En conclusion de ce chapitre, Sébastien Fath explique :

« Revenu de l’athéisme, l’auteur n’est pas pour autant mystique (ou par rares intermittences), ou fervent pratiquant. Mais il voit, dans le catholicisme, une ressource possible, et peut-être même nécessaire. La société post-68 et libertaire ayant échoué selon lui à créer du lien, l’écrivain s’interroge, notamment face à l’islam, qui se pose en alternative. Jusqu’à rêver du retour du catholicisme comme «religion d’Etat », comme il l’a proposé dans un interview donné au Spiegel en 2017 ? L’écrivain, ici, fait de la provocation… Restent, derrière le buzz, un désarroi spirituel et des questions de fond posées aux catholiques, et à tous ses contemporains. »