Slam est l’histoire d’un emballement médiatique qui bouleverse la vie paisible de Ricky, un jeune Australien d’origine palestinienne. Lorsque sa sœur Ameena disparaît, elle est très rapidement suspectée d’avoir rejoint l’État islamique en Syrie. Qui doit-il croire lorsque le doute et la suspicion s’immiscent ? Son intuition ou les médias ?
La disparition de cette courageuse poétesse palestino-australienne est le déclencheur d’un suspense latent, à combustion lente, mais intense. C’est aussi un puissant commentaire social et politique qui s’installe avec une certaine force mais sans devenir oppressif. Car la grande qualité de Slam est d’être précisément construit à la façon d’un slam, ce type d’expression artistique fait de poésie orale, urbaine et pouvant être déclamée dans un lieu public, une narration scandée librement, de manière rythmée, avec ou sans musique. J’entends par là ancrée dans la déclamation poétique à la fois percutante mais aussi douce et agréable aux oreilles. Un doux mélange de beauté hypnotique et d’uppercuts ou coups droits qui vous mettent KO debout mais avec le sourire, ou plus justement encore, avec bonheur.
Slam est fait de cette pâte-là. Pour la beauté de l’ensemble, l’histoire se déroule dans le quartier multiculturel de Bankstown à Sydney, magnifiquement servi par les photographies de Bonnie Elliott et par la partition à cordes d’Eryck Abecassis. Les prestations scéniques qui encerclent le récit amplifie la démarche. Un prologue et un épilogue qui vous font dresser les poils et qui vous donnent de bien comprendre l’enjeu et la manière de faire. Ameena Nasser (Danielle Horvat) fixe la caméra. Portant un foulard et adressant son slam « à sa mère », Ameena dénonce avec férocité la colonisation, le patriarcat, l’intolérance et l’abus de pouvoir, tout en affirmant son droit et son besoin de s’exprimer en tant que femme. Le scénario acéré de Sen-Gupta montre ensuite comment un climat de peur et les déflagrations de quelques médias sociaux et de « preuves » de vidéosurveillance peuvent faire un effet boule de neige et déboucher sur des hypothèses qui alimentent le racisme et l’intolérance. L’acteur palestinien Adam Bakri est remarquable dans le rôle du frère d’Ameena, migrant de deuxième génération dont la loyauté et le sens de l’identité sont mis à l’épreuve. Face à lui, l’australienne Rachael Blake excelle dans le rôle de l’enquêtrice perturbée par les événements et par sa propre histoire.
Ce remarquable thriller du cinéaste indien expatrié Partho Sen-Gupta offre ainsi des observations intelligentes sur la race, le genre, la religion, la xénophobie et les rôles joués par la police et les médias au nom de la sécurité nationale et de la guerre contre le terrorisme. C’est un film attachant qui a des choses précieuses à dire sur l’époque dans laquelle nous vivons et qui mérite d’être vu.