Le Festival protestant du livre, imaginé et dirigé par Anne Faure, a tout d’une fête de famille : on s’y retrouve, dans les locaux sobres mais chaleureux de l‘Institut protestant de théologie, les marronniers d’Arago berçant d’un esprit parisien les visiteurs et les auteurs. Et lorsqu’autour d’une table s’engage un débat, l’échange cordial des idées l’emporte sur la dispute. Esprit de famille donc, mais une encore une famille élargie. Les amateurs de toutes les obédiences ont portes ouvertes et peuvent découvrir des ouvrages dont ils n’avaient pas eu l’idée jusque-là.
De nombreuses rencontres au programme
Cette année – nous allions écrire « comme toujours », tant il est vrai que cette manifestation, toute jeune pourtant, mais par son succès, semble exister depuis plusieurs décennies – le programme est copieux, riche de conversations, de rencontres. Marion Muller-Collard Karine Bouvatier, Valentine Zuber, Ariane Chemin, Irène Frachon seront présentes et dédicaceront leurs livres, ainsi que Jean Baubérot, Didier Sicard, André Encrevé, Patrick Cabanel, Antoine Nouis et Jean-Luc Gadreau. Nous en oublions, non par négligence, mais parce qu’il n’est rien d’ennuyeux comme une liste. Au vrai, la présence de ces auteurs ne relève-t-elle pas de l’évidence ? Oui, bien entendu. Mais c’est la raison pour laquelle nous aimons ce festival, consolation de l’entrée dans l’automne, bain de bonne humeur à nul autre pareil.
Chacun se souvient du mot de Barth, encourageant les protestants à prêcher une Bible dans une main, le journal dans l’autre. N’est-ce pas une invite à conjuguer les temporalités, lire, lire, lire ? Au passage, il est fondamental, par les temps qui courent et dieu s’ils courent à toute allure, de soutenir la presse protestante. A quoi sert de se plaindre de l‘abaissement des esprits si, plutôt que de lire ou d’écouter le compte-rendu fidèle et cependant critique des événements qui se déroulent dans le monde, on plaque ses yeux sur un écran, face à quelque chaîne débile qui se prétend d’information ? « Le voilà qui prêche pour sa paroisse », pensez-vous peut-être. Oui, c’est vrai. Mais d’une part, vous devriez vous réjouir qu’un protestant ne dénigre pas le club auquel il appartient – c’est un assez triste sport dont nous sommes, hélas, les uns et les autres, coutumiers – d’autre part, il est important de réveiller en vous le réflexe de solidarité. Mais revenons à la lecture.
Existe-t-il une façon protestante de lire ?
Ici, reconnaissons-le, s’impose la prudence : on peut croire que Dieu n’existe pas, s’inscrire dans une autre tradition religieuse, et lire avec pertinence, en tirer le meilleur parti. Certes, Jean Paulhan fut l’un des plus grands analystes de son temps. Mais il ne fut pas le seul. On songe à Paul Bénichou, Georg Steiner, on pense encore à Jean-Yves Tadié, toujours parmi nous, qui porte sur Marcel Proust et Jules Verne des analyses passionnantes. On ajoutera que le protestantisme est divers par nature, qu’il a fait naître des auteurs aussi différents que Jacques Chardonne, André Chamson, Francis Ponge, et surtout qu’il ne peut s’arroger aucun titre de gloire. Alors ?
Alors il existe tout de même un fil, un fil ténu mais solide, qui relit les enfants de la Réforme entre eux. C’est la conviction que le texte porte une part de la vérité du monde. Une part seulement, ce qui bien sûr autorise la controverse, l’opposition, la production de livres nouveaux, mais une part tout de même. Et c’est bien cette floraison, cette arborescence qu’Anne Faure et son équipe ont voulu célébrer par le Festival protestant du livre. Alors, vendredi 28 septembre, que vous viviez dans les Cévennes, en Alsace, en Ardèche ou même dans le département du Maine-et-Loire, prenez votre bicyclette et venez vivre quelques heures amicales boulevard Arago. Des milliers de pages vous attendent. Et nous aussi.
Pour tout savoir : www.festivalprotestantdulivre.com
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