Par Emmanuelle Jacquat, pasteure à Chavornay (dans le canton de Vaud, Suisse) 

« Jésus sauveur du monde ». Ce dogme irréfutable me donne toujours l’impression d’un slogan publicitaire raté.

Raté tout d’abord, parce qu’il n’y a qu’à voir le monde qui nous entoure pour démontrer que cette idée est totalement saugrenue. Les aveugles ne voient toujours pas. Les gens continuent de mourir de cancers ou d’autres maladies. Les prisons sont pleines. Tout le monde ne mange pas à sa faim. La guerre continue dans le monde. Elle est même de retour depuis plus d’un an sur le sol européen. Donc Jésus est sauveur de quoi ? En tout cas, pas du monde, dans sa globalité. Par contre, ce dont je suis convaincue c’est que son message me sauve moi. Pour le dire autrement, son message me relève, parce que c’est bien de cela qu’il s’agit. Je ne suis pas sauvée concrètement du mal. J’ai aussi une part sombre. Je suis toujours immortelle et pas à l’abri du malheur.

Si Jésus me sauve, c’est parce que, par son message, je peux affronter chaque jour le monde qui m’entoure. Le monde dans lequel nous vivons est par définition absurde. On dit que la vie est injuste. Mais elle n’est ni juste, ni injuste. La vie est la vie. Et par le message de Jésus de Nazareth, je peux me relever des difficultés ou des incompréhensions qui arrivent dans ma vie.

La première difficulté qui m’apparaît régulièrement c’est ce besoin d’être heureux et parfait en toutes circonstances. Les étalages des librairies et des bibliothèques regorgent de livres ou de magazines sur le bien-être. Depuis plusieurs années, on nous martèle qu’il nous faut être heureux ! C’en est devenu un devoir. Nous devons être heureux, sinon on a raté notre vie d’une certaine manière. Ça me fait un peu penser à cette phrase de Nicolas Sarkozy en 2009 : « Si à 50 ans on n’a pas une Rolex, c’est qu’on a quand même raté sa vie ». Toutes ces injonctions ! Et quand on n’y arrive pas, qu’est-ce que cela dit de nous ? Toutes ces injonctions en deviennent culpabilisantes. Et si par hasard nous avons un passage à vide, c’est la fin du monde. On n’a pas réussi. On a raté quelque part. On est nul, stupide et j’en passe.

Les théologiens sont peut-être aussi complices de cette dérive. En effet, il est habituel de dire, dans nos Églises, que le but de l’Évangile, le but de la foi c’est de nous remplir de joie et de bonheur. Croire n’est pas un parapluie contre le malheur ! Et, comme partout dans le monde, il existe des croyants malheureux et d’autres qui sont heureux. Il existe aussi plein de raisons différentes pour être heureux. Et c’était déjà le cas à l’époque de Jésus de Nazareth.

Que ce soit dans l’antiquité ou à la nôtre, il nous arrive de ne pas nous sentir à la hauteur. Dans ces moments, on se fait des […]