Entraide, diaconie, ces mots ont traduit de tout temps l’engagement de l’Église auprès des personnes les plus démunies. Il existe une différence entre les deux termes, la diaconie évoquant davantage l’aide spirituelle et matérielle auprès des personnes de la communauté ecclésiale, là où la notion d’entraide porte une signification plus sociale et ouverte sur le monde. Mais localement il est souvent difficile de les distinguer, quand il s’agit de vestiaire, de repas solidaire ou d’aide aux démarches administratives par exemple.

L’urgence concrète

Pour beaucoup de membres de l’Église, la foi se traduit naturellement par le souci d’autrui, qui se concrétisera par un engagement personnel envers le monde. Or l’État prend déjà en charge une grande part de l’aide sociale, soit directement par la loi ou des allocations financières, soit par l’intermédiaire des services sociaux des collectivités locales ou d’organismes reconnus et mandatés. Se pose donc aux paroisses la question de savoir quelle entraide ou diaconie mettre en œuvre. La communauté peut choisir de développer une entraide locale à dimension d’accueil social pour permettre de pallier les dysfonctionnements des canaux d’aide officiels, ou bien elle souhaitera s’adapter aux demandes urgentes qui lui sont faites directement. Car les Églises sont des postes avancés de l’identification des nouveaux besoins de la société. On vient les voir quand la réalité de la vie devient insoutenable et qu’aucune aide n’est plus possible ailleurs.

Le choix de l’aide sociale

Si le protestantisme a historiquement créé beaucoup d’œuvres nouvelles répondant aux problèmes de chaque époque, de nombreuses Églises ont choisi la voie de l’entraide sociale locale, par exemple par le biais de vestiaires, d’alphabétisation ou de soutien financier direct. La montée en puissance de l’aide sociale de l’État, même partielle et imparfaite, conduit parfois les initiatives paroissiales à intégrer le parcours social officiel des municipalités. Pour certains paroissiens, cela risque de diluer « l’énergie protestante » et la force de témoignage. Pour d’autres, c’est le reflet normal de l’implication de leur foi dans le monde, le témoignage chrétien pouvant aussi bien se poursuivre au cœur de l’action de la ville.

Une recherche de diaconie

Ce débat sur l’utilité et la force de témoignage de l’action sociale n’est pas nouveau mais n’a souvent jamais été tranché. Les Entraides paroissiales de nature sociale intégrées dans le réseau de solidarité des municipalités n’empêchent pas l’organisation d’un réseau de diaconie auprès des paroissiens qui en ont besoin. Certaines paroisses ont même privilégié cette dimension en renforçant une vigilance interne d’accueil et de soutien.

Tout en maintenant leur action sociale habituelle, d’autres paroisses ont constaté des situations exceptionnelles de détresse et préfèrent y dédier leur effort. Car de plus en plus de personnes passent actuellement à travers les mailles du « filet social », par exemple par manque d’information sur les aides accordées, par défaut d’énergie pour les demander ou faire valoir un droit, ou simplement parce qu’il est parfois impossible à un parent isolé d’aller à un entretien d’embauche en faisant garder son enfant.

Situations limites

La réalité des besoins varie d’année en année au fur et à mesure de la fragilisation de la société contemporaine. Or mettre en place un soutien organisé et adapté à la demande nécessite une prise de conscience et du temps. Entre le besoin et l’aide, un espace de non-droit peut donc être constaté, qu’il revient aux initiatives privées d’identifier et de prendre en compte le plus vite possible. Les nouveaux visages de la diaconie et de l’entraide se forgent aujourd’hui par cette vigilance aux besoins des plus petits d’entre les humains. Comme ce fut le cas dans les siècles passés, l’Église peut continuer à se donner les moyens de répondre à ces situations limites engendrées par le monde.