La première de ces démarches veut rendre la spiritualité chrétienne la plus compréhensible possible en évitant tout « patois de Canaan ». L’enjeu ici consiste à réinterpréter, à traduire les grands concepts de la foi chrétienne (le péché, la gloire, le salut…) de manière à ce qu’ils fassent sens pour le plus grand nombre. Cependant cette démarche est critiquable, car elle vide la religion de ce qui peut être « mystérieux », c’est-à-dire qu’elle réduit l’insaisissable de la Bonne Nouvelle à un message explicable rationnellement : elle réduit la révélation à la raison. La démythologisation des grands concepts de la foi débouche sur des affirmations qui ne font finalement que reprendre les valeurs d’une époque donnée, souvent la nôtre.

Ce qui fait dire au philosophe Alasdair MacIntyre dans Against the Self-Image of the Age : « Si l’on suit le théologien Rudolf Bultmann, ce que Jésus a voulu dire se découvre n’être qu’une anticipation de la philosophie de Martin Heidegger. » En cherchant à éviter le patois de Canaan, le témoignage chrétien devient redondant. Nous croyons partager l’Évangile, mais les contemporains n’entendent qu’une répétition de ce qui est déjà dit ailleurs.

La deuxième démarche cherche justement à éviter une telle redondance. Pour cela, elle affirme que la spiritualité chrétienne au cours de son histoire a développé des ressources particulières qui par moment entrent en résonance avec celles développées par la culture contemporaine, mais qui à d’autres moments sont en décalage. Le risque que court cette deuxième démarche est, en écho à Pascal, de devenir […]