Le rabbi Israël de Rijine racontait à ses élèves : « Lorsque mon maître le Baal Chem Tov se trouvait confronté à une grave question ou qu’un malheur se tramait contre le peuple juif et qu’il n’entrevoyait pas de solution, il allait se recueillir dans la forêt, il s’installait dans un coin particulier, y faisait du feu, toujours d’une certaine manière, disait une prière et cela l’aidait beaucoup. Chaque fois, le miracle se produisait et le peuple était sauvé. » Une génération plus tard, son élève le Maguid de Mézéritch était aussi confronté à de graves problèmes. Se souvenant de ce que faisait son maître, il se rendait dans la forêt. Il ne savait plus comment faire du feu, mais il disait : « Seigneur, je ne sais plus comment faire ce feu mais je sais encore la prière » et alors le miracle s’accomplissait. À la génération d’après, le rabbi Moshe Lev de Sassov, lui, allait dans la forêt, il ne savait pas faire de feu, ne connaissait plus la prière, mais disait : « je connais l’endroit, cela devrait suffire », et le miracle s’accomplissait. Puis ce fut au tour de rabbi Israël de Rijine d’être confronté à un grand problème. Il s’assit dans son fauteuil, prit sa tête entre ses mains et dit : « Quant à moi Seigneur, je ne sais pas où se trouve la forêt, je ne sais pas faire de feu, je ne connais ni la prière ni son intention. Tout ce que je sais faire, c’est raconter cette histoire, cela devrait suffire… » Et alors le Seigneur entendit cette prière, et un miracle se produisit.

Bien qu’elle soit juive, nombreux sont les protestants qui pourraient s’identifier à cette histoire, que Victor Malka relate dans son ouvrage Petites étincelles de sagesse juive (Albin Michel, 2007). Elle illustre la diversité du rapport à la spiritualité qui existe au sein de notre tradition et son évolution. À notre époque, il est possible de dire du protestant à la fois qu’il a une relation individuelle avec son Dieu mais tout aussi légitimement que la spiritualité protestante peut se vivre dans la non-spiritualité. Les Églises issues de la Réforme ont largement tendance à insister sur les dimensions théologiques, sociales et culturelles de la Réforme, au point qu’on a parfois oublié leur caractère spirituel. […]