Suite à l’épidémie du covid-19, les missions de la Fondation de l’Armée du Salut se sont amplifiées.

« Maisons pour les enfants, les handicapés, les personnes-âgées, les personnes en grande pauvreté… L’Armée du Salut c’est 200 établissements et services. C’est à peu près 10 000 personnes accueillies tous les soirs dans l’ensemble de nos structures par 2500 salariés et 4500 bénévoles.

Pour faire face à cette crise sanitaire majeure, nous avons accentué nos actions en fonction de nos publics. Au sein de nos Ehpad, le confinement a été instauré avant même que le gouvernement nous demande de le faire. Confinement oui mais sans pour autant priver nos seniors de lien social. Pour nous, hors de question que les personnes âgées perdent leur bonne santé. Nous sommes vigilants au syndrome du glissement [détérioration rapide de l’état général d’un sujet très âgé – ndlr] et autres pathologies liées au grand âge. Utilisation de tablettes, tchats réguliers via WhatsApp avec les enfants et petits-enfants… Très rapidement, nous avons trouvé des astuces, valables aussi pour les personnes en situation de handicap. Afin de rompre l’isolement, des brigades de courtoisie sont en train de se mettre en place. Il s’agit de groupes de bénévoles qui font le tour des chambres pour discuter avec chacun à travers la porte. Pour l’instant, nos établissements sont plutôt protégés puisque nous ne déplorons que 15 décès [entretien téléphonique réalisé le 9 avril 2020]. C’est une bonne nouvelle pour nous tous !

Du côté du champ de l’exclusion, nous avons ouvert environ 500 lits supplémentaires aux quatre coins de la France pour accueillir des personnes à la rue. En raison de cette période de confinement, l’État a réquisitionné différents lieux comme des hôtels, puis nous les a mis à disposition. Par exemple, à Lyon, c’est un Établissement pour l’insertion dans l’emploi  (Epide), actuellement inoccupé, qui accueille des grands marginaux. Des distributions alimentaires à domicile ont également été mises en place de façon massive car il n’est plus possible de distribuer des repas dans la rue. A Paris, chaque jour, nous servons plus de 2000 repas à des personnes en situation difficile dans les bidonvilles, des hôtels, des squats, etc. Au nord de Paris, à Aubervilliers, toujours dans la rue, tous les matins, des milliers de petits-déjeuner continuent également d’être distribués à celles et ceux qui n’ont pas encore de toit pour se protéger. Les personnes font la queue. Nous leur demandons de respecter les distances de sécurité. Par ailleurs, le siège de la Fondation s’est immédiatement mis en télétravail. Nous travaillons avec nos directeurs locaux en visioconférence et nous éditons une lettre hebdomadaire destinée à l’ensemble de nos salariés pour leur permettre d’être en lien les uns avec les autres. C’est extrêmement important dans un moment anxiogène où la dépression guette tout à chacun y compris les professionnels.

Le tout sans moyen bien entendu ! Pour pallier au manque de masques, une équipe de combat est partie immédiatement en rechercher. La débrouille était de mise ! Des entreprises fabriquant du tissu ont été démarchées. Des directeurs du siège sont partis jusqu’à Valence pour aller récupérer des milliers de masques, puis ont fait le tour de France et ils ont déposé dans l’ensemble de nos établissements 500 masques par ci, 600 masques par là. L’Armée du Salut étant un mouvement international, nous avons demandé à nos équipes présentes en Angleterre de nous en fournir car à l’époque nos voisins d’Outre-Manche étaient moins touchés par le virus. Aujourd’hui, des personnes sans papier établies dans un de nos établissements à Paris fabriquent environ 500 masques avec des bouts de tissu récupérés que l’on redistribue dans nos structures. Je pense notamment à des Sri-lankais, couturiers dans leur propre pays, qui participent ainsi à l’effort général.

« Ils ont un tel sens du dévouement, de l’humanité… »

Nous sommes admiratifs des professionnels et de leur engagement. Ils ont un tel sens du dévouement, de l’humanité… Quand je parle de « professionnel », j’évoque toutes ces petites mains. Ceux qui ont de très faibles salaire, les aides-soignants, les infirmiers et autres, qui vont au charbon. Pour ces derniers, le soin et la vie sont fondamentales. Ensuite, nous remercions bien sûr nos bénévoles et nos nouveaux bénévoles car évidemment les plus âgés d’entre nous, plus vulnérables, ne pouvaient plus continuer leurs actions. Sur les réseaux sociaux, un appel au bénévolat a reçu un nombre important de réponses. Ce qui montre que l’Armée du Salut est un acteur social engagé crédible aux yeux de la société.

L’une de nos préoccupations de demain, le jour où le confinement sera levé est : comment va-t-on se désengager des nouvelles mission que l’on accomplit dans ce contexte particulier ? Car cette crise sanitaire nous a révélé de nouvelles poches de pauvreté sur lesquelles il va falloir que l’on continue de poser notre regard. Parmi les personnes que l’on sert à domicile, certaines nous disent qu’elles n’ont pas mangé depuis 48 heures. Au sein de l’Armée, ce type de témoignage nous surprend. Bien qu’au contact des plus fragiles, nous pensions que mourir de faim n’était plus possible en 2020. Allons-nous retourner demain dans les bidonvilles dans lesquels nous déposons des repas ? Avec les autres associations et les réseaux, nous allons aussi nous battre pour que les lits supplémentaires réquisitionnés par l’État soient maintenus après le confinement. Car tout le monde doit avoir un toit sur sa tête que l’on soit susceptible de contracter un virus ou non. Cette crise sanitaire a aussi révélé l’état dans lequel se trouvent les établissements pour personnes âgées et les conditions dans lesquelles elle vivent. On le savait. Depuis de nombreuses années, on dénonce un manque de moyens et de personnels. Fort heureusement, au sein de nos Ehpad, nous avons beaucoup d’aidants, des bénévoles issus du voisinage qui nous épaulent. Et cette solidarité est essentielle à la vie ! »