Pourquoi avoir souhaité publier un communiqué suite à la polémique suscitée par le rassemblement de l’église Porte ouverte de Mulhouse ?
La situation qui ne concernait qu’une église locale s’est rapidement étendue à l’échelle nationale. Sur les réseaux sociaux, on a vu une montée en puissance extrêmement rapide de propos calomnieux et diffamatoires à l’encontre de la communauté protestante évangélique, à laquelle on reprochait la propagation de la pandémie. Facebook, Twitter mais aussi courriers postaux anonymes, invectives verbales, appels téléphoniques… Nous avons reçu des menaces via différentes sources. Face à cette situation, il a semblé important au CNEF de réagir afin de rappeler aux Français des principes d’ordre pédagogique : les évangéliques sont avant tout des chrétiens protestants implantés en Europe et en France depuis de nombreuses années. Il ne s’agit pas d’une religion exotique ! De plus, comme tous autres croyants, la loi de 1905 leur permet d’exercer leur culte librement. Par ailleurs, dès les premières heures de l’urgence sanitaire, le CNEF a appelé les croyants et les pasteurs à respecter les consignes du gouvernement.
Dans votre communiqué, vous déplorez « le traitement médiatique de ces faits et les propos de certaines personnalités ». La qualification de « point de bascule » formulée par le ministre de la Santé vous paraît-elle démesurée ?
Oui ! Car à l’étape où nous en sommes de la pandémie, il n’y a pas eu d’enquête assez solide pour attribuer à qui que ce soit une responsabilité confirmée. Pour pointer du doigt un coupable ! Il me semble que les fautes seront partagées. Match de foot, salon de l’agriculture… Il y a eu de nombreux foyers de propagation du Covid-19 en France. Rappelons également qu’à l’époque de la semaine de jeûne et de prières, organisée du 17 au 24 février dernier, les rassemblements étaient autorisés. De même, le gouvernement n’avait pas communiqué sur les gestes barrières à tenir pour freiner le coronavirus. Certes, l’Église Porte ouverte de Mulhouse a sa part de responsabilité. C’est un fait incontestable ! Il faut laisser le temps aux professionnels de faire leur travail et de mener des enquêtes rigoureuses à charge et à décharge. « Point de bascule » fait partie des formules un peu choc qui ont participé à la stigmatisation de la communauté évangélique. Mais cette prise de parole politique est liée à la nature humaine : dans toute communication de crise, on veut à tout prix un coupable.
La Vie, Le Monde avec à la plume la journaliste Ariane Chemin… Des médias ont pourtant réalisé des enquêtes et des papiers plus équilibrés de l’affaire ?
Tout à fait. Heureusement, des journalistes ont tenu des propos plus nuancés. Je le répète : l’Eglise Porte ouverte n’est pas la seule à avoir contribué malgré elle à diffuser le coronavirus. Et elle n’a pas importé le virus en France. C’est facile de faire porter la responsabilité d’une pandémie à une seule communauté. En 1920, on a voulu faire porter aux juifs la responsabilité de la peste bubonique aux portes de Paris. Il a fallu à l’époque que le directeur de l’institut Pasteur et le ministre de la Santé interviennent pour disculper la communauté juive…
Selon vous, que s’est-il passé concrètement au sein de Porte ouverte ?
Je n’ai pas d’expertise sur la chronologie des faits et ne suis pas l’avocat de Porte ouverte, membre de la Fédération des églises du Plein Evangile, elle-même membre du CNEF. Par cette union, nous les accompagnons depuis le départ dans la gestion de cette crise. La seule chose que nous pouvons constater aujourd’hui, c’est qu’ils ont été victimes de ce virus et acteurs malgré eux de la diffusion du coronavirus dans l’est de la France. Certains de leurs membres ont été contaminés et sans le savoir ont répandu le virus là où ils vivaient.
Comment cette église vit-elle ce traitement médiatique et les accusations à charge de certaines personnalités politiques ?
C’est très violent ! Les paroissiens sont touchés dans leur dignité de citoyens. Au moment où les médias ont commencé à pointer du doigt l’Église Porte ouverte, le pasteur principal, Samuel Peterschmitt était hospitalisé dans un état grave. Son équipe a du gérer comme elle le pouvait l’agression extérieure. Très meurtris, ils comptabilisent au moins une vingtaine de décès dans leur communauté et ont beaucoup de compassion pour les malades et tous ceux qui sont touchés par le virus. Je pense néanmoins que cette communauté en ressortira grandi spirituellement. Jeudi dernier, Samuel Peterschmitt déclarait que définitivement la vie de l’église sera changée, transformée à tout point de vue. Il y aura eu un avant et un après épidémie. Concernant les normes sanitaires, l’église fonctionnera avec beaucoup plus de vigilance.
Pensez-vous que le terme « megarchuch » a contribué à cette stigmatisation ?
Il faut reconnaître que les médias, la classe politique tout comme les Français en général connaissent peu le fait protestant évangélique. Ainsi, ils analysent et décryptent le monde évangélique au travers des rares éléments dont ils ont connaissance. Or les éléments qui sont communiqués aux Français proviennent souvent du Brésil, d’Afrique ou des Etats-Unis, pays au sein desquels les modèles protestants évangéliques sont bien différents. Et effectivement, le terme « megachurch » est étranger à la culture française et peut faire peur. Si on parle d’une cathédrale ou d’une basilique, on saura tout de suite de quoi on parle. Une « megachurch », on ne sait pas. Et on se méfie de ce qu’on ne connaît pas. L’usage de ce vocabulaire n’a pas aidé dans la déferlante médiatique que nous avons subi. Megachurch, semaine de jeûne et de prières… Qu’est-ce que cela veut dire pour le grand-public ?
Quelles sont les particularités de cette église au sein de la galaxie évangélique ?
Sa première particularité c’est sa taille. Il y a moins de 10 églises de cette taille en France. Le modèle de la « megachurch » reste peu présent en France. Etant donné la croissance du nombre de conversions dans les megachurch, il est probable que le nombre d’églises dépassant 1000 ou 2000 personnes se multiplie. Sa deuxième particularité ? L’utilisation soutenue des médias dans sa communication. Enfin, Porte Ouverte est de sensibilité charismatique c’est-à-dire qu’elle met l’accent sur la pratique des dons spirituels et sur l’action de l’Esprit saint dans la vie du croyant. Chose peut-être mal compris par une majorité de Français qui n’ont plus de pratique ou de culture religieuse.
Cette megachurch était-elle soutenue par les autres églises protestantes ?
Comme je vous le disais tout à l’heure, l’Eglise Porte ouverte de Mulhouse est membre de la Fédération des Eglises du Plein Evangile, elle-même membre du CNEF. En tout, le CNEF regroupe 32 unions nationales d’églises, soit 70 % du protestantisme évangélique en France. Dans cet épisode, une majorité de protestants évangéliques en France soutient donc l’Église Porte ouverte. Du côté du protestantisme luthéro-réformé, nous n’avons pas reçu de signaux particuliers. Seules quelques voix se sont élevées au niveau local. Ici et là, des pasteurs ont pris la parole. Par contre, la Fédération protestante de France (FPF) s’est inquiétée de la situation que vivait l’Église. Rapidement, le président François Claraivoly a souhaité s’entretenir personnellement avec Samuel Peterschmitt.
Au sein du CNEF, vous venez de publier un communiqué. Allez-vous réaliser d’autres actions pour mettre de l’eau sur le feu ?
Oui, tout à fait. Nous menons actuellement une action de communication dans les grands médias, d’abord confessionnels, puis séculiers. Puis, nous entamerons un volet juridique, avec le service juridique du CNEF afin de saisir les instances compétentes suite aux propos diffamatoires et calomnieux dont nous avons fait l’objet. Le ton va monter d’un cran. Ce n’est pas dans notre caractère, ni dans dans notre culture d’attaquer en justice mais face à la gravité de la situation, nous avons décidé d’agir.