Il me semble qu’il en va du régime français de laïcité comme du temps… moins on m’en parle et plus se précise l’idée que je m’en fais. Tout se brouille dès qu’on tente de l’ériger en une théorie qui, de surcroît, prétendrait être universellement reçue et valable en tous temps.

La laïcité dans l’histoire de la France

Par le passé, en France, la religion était non seulement omniprésente, elle était toute-puissante. Elle instituait les rois, elle était la science, elle commandait la plupart des arts, elle éduquait et pratiquait même la charité. La modernité, la philosophie des Lumières à la française et les réformes touchant au statut des religions dépouillèrent la sphère religieuse de ses prérogatives, avec la violence qui sied à toute révolution ou avec la détermination des théologiens qui voulaient éviter de voir Dieu sombrer avec la religion. À la place furent institués la démocratie, l’école républicaine, le patronat et les syndicats, l’assistance publique, les associations sportives et autres amicales – parfois rien.

Le vingtième siècle et son lot de crises économiques, de crises politiques, de barbaries, de tueries, de globalisation et d’individualisation dépouilla ces nouvelles institutions de leur autorité fraîchement conférée : en quelques siècles les abus et les dérives avaient eu raison de la confiance qu’on mettait en l’Église. En quelques dizaines d’années, la confiance dont bénéficiaient les hommes politiques, les entrepreneurs, les instituteurs, les décideurs et responsables en tous genres s’est effondrée. Même André Glucksman a eu l’occasion de souligner à quel point le nihilisme est désormais à l’honneur dans les mentalités de nos contemporains et constitue une menace majeure (Dostoïevski à Manhattan,éd. Robert Laffont). Les évaluations statistiques montrent que la fin des « trente glorieuses » correspond au moment où les bureaux de vote commencèrent à être désertés dans les mêmes proportions que les lieux de culte. […]