05.11.2023 : Mt 23.1-12 – Contre l’hypocrisie

Avertissements aux religieux

Introduction

Dans les passages qui précèdent, Jésus a été en discussion avec les saducéens, puis les pharisiens qui ont voulu le mettre en difficulté avec des questions piège. Agacés par ces fourberies, il se tourne vers la foule et ses disciples pour les prévenir.

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

Ils disent et ne font pas

Le reproche que Jésus fait aux religieux est une reprise de la parabole des deux fils lorsque Jésus honore celui qui ne dit pas et qui fait à la différence de celui qui dit et ne fait pas. Elle se termine par cette phrase lapidaire qui s’adresse aux religieux de tous les temps : Les collecteurs des taxes et les prostituées vous devancent dans le royaume de Dieu (Mt 21.31).

Être bien vu des gens

Jésus reproche aux religieux de ne pas agir pour Dieu, mais pour être bien vus des gens. Cette critique rejoint ce qu’il disait dans le sermon sur la montagne lorsqu’il appelait ses disciples à pratiquer l’aumône, à prier et à jeûner dans le secret (Mt 6.4,6,18). Ils voulaient prévenir l’orgueil de ceux qui étalent leur piété et leur humilité en public pour que les gens les voient.

Pistes d’actualisation

1er thème : Ne vous faites pas appelez maîtres, ni pères, ni docteurs

Alors comment faut-il se faire appeler ? La seule réponse des Écritures est : Frère ! Sœur !

L’Église doit s’organiser selon une autre économie que celle de notre monde. Comme le dit Jésus un peu plus haut dans l’Évangile : Vous savez que les chefs des nations dominent sur elles en seigneurs, et que les grands leur font sentir leur autorité. Il n’en sera pas de même parmi vous (Mt 20.25-26).  

Paul a repris ce thème lorsqu’il a utilisé l’image du corps en disant que si dans l’Église il y a des responsabilités différentes, aucune n’a plus de dignité que les autres : L’œil ne peut pas dire à la main : « Je n’ai pas besoin de toi », ni la tête dire aux pieds : « Je n’ai pas besoin de vous. » Bien au contraire, les parties du corps qui paraissent les plus faibles sont nécessaires (1 Co 12.21-22).

2e thème : Une parole pour l’Église de tous les temps

Jésus martèle le message d’une Église qui doit être organisée selon une autre logique que celle de notre monde alors qu’il est tellement tentant de rentrer dans le moule de la société.

Jacques, dans son épître, reprendra ce thème lorsqu’il écrira : Supposons en effet qu’il entre dans votre assemblée un homme avec un anneau d’or et des habits resplendissants, et qu’il y entre aussi un pauvre avec des habits sales ; si, pleins d’attention pour celui qui porte les habits resplendissants, vous lui dites : « Toi, assieds-toi ici à cette place d’honneur ! » tandis que vous dites au pauvre : « Toi, tiens-toi debout là-bas ! » ou bien : « Assieds-toi au bas de mon marchepied ! », ne faites-vous pas en vous-mêmes une discrimination, et n’êtes-vous pas des juges aux raisonnements mauvais ? Écoutez, mes frères bien-aimés : Dieu n’a-t-il pas choisi ceux qui sont pauvres, du point de vue du monde, pour qu’ils soient riches de foi et héritiers du royaume qu’il a promis à ceux qui l’aiment ? (Jc 2.2-5).

3e thème : Celui qui s’élève, celui qui s’abaisse

Jésus reprend encore une fois l’inversion des valeurs qui traverse tout son évangile : Le plus grand est le plus serviteur, le plus haut est le plus bas, le plus père est le plus frère, le plus docteur est le plus disciple.

Mais l’humilité est un piège car il n’y a rien de plus orgueilleux que de se considérer comme humble. Attention à l’orgueil du modeste, de celui qui dit : « Je te loue Seigneur de ne pas être orgueilleux comme les scribes et les pharisiens. » Un père du désert disait : « Il vaut mieux boire du vin avec humilité que de l’eau avec orgueil. » Le vrai humble est celui qui dépose tous les jours son orgueil aux pieds de la croix.

Une illustration : le piège des honneurs

L’Église n’a pas toujours su parer les pièges des honneurs, loin s’en faut.

La première Église a souvent affronté la persécution, mais dès que le christianisme a été reconnu par l’Empire romain, elle est tombée dans le piège de la richesse. Le Père de l’Église Hilaire de Poitiers a pointé le défi qui se présente à l’Église lorsqu’elle est reconnue : « Quant à nous qui n’avons plus un empereur anti-chrétien, nous devons combattre un persécuteur encore plus insidieux, il ne frappe pas notre dos à coups de fouets, il nous caresse le ventre. Il ne nous confisque pas nos biens, mais il fait de nous des riches pour nous donner la mort. Il ne porte pas atteinte à notre liberté, en nous jetant dans les fers, mais il nous rend esclaves des invitations qui nous sont faites et des honneurs dans les palais. Il ne porte pas atteinte à nos corps, mais il prend possession de notre cœur. Il ne nous tranche pas la tête du plat de l’épée mais il nous tue l’âme de ses deniers. »

Gardons-nous de penser que ces versets qui s’adressent aux pharisiens ne concernent l’Église. Les Églises et notre Église.

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenant : Antoine Nouis