Prédication de James Woody au temple de la rue de Maguelone (Montpellier) le dimanche 10 septembre 2023 Matthieu 25/14-30 ; Nombres 15/30-31 ; Matthieu 19/29-30 ; Deutéronome 23/13-14

Chers frères et sœurs, ces quatre textes bibliques ont quelque chose en commun. Cela ne saute pas aux yeux, mais ils tracent une trajectoire de vie qui n’est pas sans rapport avec notre actualité, ni avec notre existence. Quatre textes qui auraient pu être complétés par d’autres, qu’il s’agisse du récit de la Transfiguration de Jésus, de la traversée du Désert par les Hébreux, les Actes des Apôtres etc. Tous ces textes bibliques nous sont familiers (à part ceux du livres des Nombres – et je présume que vous n’aviez jamais fait attention à la prescription de Dt 23), mais nous avons l’habitude de les lire isolément. Nous les mettons rarement ensemble. Lorsque nous rapprochons des textes bibliques, c’est parce qu’ils utilisent le même vocabulaire, qu’ils abordent les mêmes thématiques, que l’un des textes a inspiré l’autre.

En rassemblant ces quatre textes a priori sans rapport les uns avec les autres, j’aimerais vous faire entendre une évidence, à savoir que la Bible est un ensemble qui a une cohérence par rapport au thème principal qu’elle déploie tout au long de ses phrases. Le point commun entre ces quatre textes, c’est le rugby. Ces quatre textes font partie des règles du rugby. Pourquoi des textes bibliques sont-ils utilisés par le rugby ? Peut-être parce que le créateur mythique du rugby, William Webb Ellis sera pasteur – c’est lui qui, durant un match de foot porta le ballon derrière la ligne de but adverse en 1823, il y a donc 200 ans ; plus vraisemblablement parce que ce sport s’est d’abord développé dans une Grande-Bretagne marquée par le christianisme. Mais, si le rugby est empreint d’aspects bibliques, c’est que le rugby et la Bible ont en commun d’être orientés vers le même horizon : la vie, cette vie dont nous allons repérer quelques caractéristiques dans les quatre textes bibliques que nous avons écoutés. La Bible révèle ce que vivre veut dire. Elle révèle ce que signifie être humain, être divinement humain. Elle révèle ce qui peut nous animer au quotidien pour que notre vie soit portée à son incandescence. Le culte est une manière d’accueillir cette révélation et de la célébrer. Le culte est une manière d’inscrire cette révélation d’une vie profondément humaine au plus secret de nous-mêmes.

Le rugby, à sa manière, est une façon de jouer cette vie-là. Transmettre pour ajouter de la vie à la vie

Première règle : on ne garde pas le ballon au sol dans un regroupement, parce qu’on n’enterre pas ses talents. La vie, en christianisme, est dynamique. Le bonheur est dynamique. L’amour est dynamique. La compréhension du monde est dynamique. Enterrer son talent pour le garder jalousement, de peur de le perdre, c’est se ficher en terre, c’est cela être païen. Le païen est fixé sur un pays, au sens d’un territoire délimité, déterminé à jamais, où rien ne change. La peur de perdre ce qu’il a, conduit l’un des serviteurs à devenir païen, à enterrer son talent, à garder le ballon au sol. Alors, l’arbitre siffle et rend le talent à l’adversaire. En christianisme, la vie est affaire de transmission. Ce que nous avons, c’est ce que nous avons reçu et, la meilleure manière de ne pas le perdre, c’est de l’offrir à notre tour. Faire circuler l’amour de Dieu, faire circuler les connaissances, les informations, faire circuler ce qui aide à vivre, notamment l’argent. C’est tout l’enjeu de la transmission. Ce qui n’est pas transmis, ce qui n’est pas partagé, est perdu. Transmettre, faire circuler, donner, c’est ce que la foi rend possible. Un joueur qui n’a pas confiance en ses coéquipier gardera le ballon au sol parce qu’il pense que les autres ne seront pas capables de le récupérer ou qu’ils ne sauront pas se débrouiller avec. Faire circuler les responsabilités, c’est ce qui augmente le niveau de jeu en faisant bénéficier la phase de jeu de ce que les uns et les autres possèdent en propre – leur génie propre. Transmettre, c’est donc ce qui augmente la créativité, c’est ce qui apporte de la valeur ajoutée, c’est ce qui ajoute de la vie à la vie. C’est ce qui édifie. Songeons à ces personnes qui ne délèguent jamais, qui ne partagent pas les responsabilités, et qui finissent par ne plus pouvoir faire face à tout ce qu’il y a à faire. Sans oublier le French Flair qui consiste à créer des interactions auxquelles on ne s’attend pas… l’inattendu de la grâce. Rompre la spirale de la violence Deuxième règle : un joueur violent ou qui pratique l’injustice de manière persistante est exclu temporairement (voire définitivement). Les règles sur le pur et l’impur, les règles qui indiquent qui doit être retiré du peuple visent la même chose : rompre la spirale de la violence en retirant l’élément fauteur […]