Samuel Amédro, pasteur et figure éminente du dialogue interreligieux, raconte l’expérience transformatrice qu’il a vécue au Maroc il y a une dizaine d’années et qui a conduit à la création d’un institut théologique novateur. En tant que président de l’Eglise évangélique au Maroc à l’époque, Samuel Amédro était confronté à des difficultés pour soutenir l’Église locale. Dans une démarche qui illustre l’esprit du dialogue interreligieux, il a tendu la main à l’archevêque de Rabat, Mgr Vincent Landel. Leur engagement commun en faveur de la compréhension mutuelle a rapidement débouché sur l’idée de créer une faculté de théologie commune dans un pays majoritairement musulman.

Cette initiative, l' »Institut œcuménique de théologie Almowafaqa« , a réuni des étudiants catholiques et protestants pour étudier la théologie dans un environnement collaboratif. Le nom « Almafaka », qui signifie « accord » en arabe, a été choisi par le ministre marocain des affaires islamiques, symbolisant l’objectif de l’institution de promouvoir l’unité et la compréhension mutuelle. Cette initiative sans précédent au Maroc a non seulement favorisé la collaboration entre catholiques et protestants, mais a également servi de modèle pour la coexistence pacifique et le dialogue théologique entre les religions dans la région. Depuis plus de dix ans, il continue de prospérer et de former des centaines d’étudiants du monde entier.

Samuel Amédro souligne que la clé de ce succès a été la fraternité, un lien instinctif et tacite entre lui et l’archevêque. Ce sentiment de fraternité partagée leur a permis de travailler ensemble sans hésitation, malgré l’absence de ressources matérielles. Il affirme que la fraternité, bien que souvent utilisée comme un concept, doit être enracinée dans des relations authentiques, animées par l’amour et le respect mutuel. Pour Samuel Amédro, le terme « fraternité » ne résume pas à lui seul la qualité des relations ; il préfère le terme « amitié », qui définit mieux l’engagement actif et affectueux nécessaire à la collaboration.

Dans le contexte du dialogue interreligieux, en particulier avec l’Islam, Samuel Amédro suggère que la reconnaissance d’une parenté spirituelle partagée est fondamentale. En acceptant les musulmans, les juifs et les chrétiens comme des enfants du même Dieu, il devient possible de s’engager dans un dialogue significatif, même si des désaccords surgissent. Il estime que sans ce lien spirituel préexistant, les discussions deviennent superficielles et incapables d’aborder des questions plus profondes. Pour Samuel Amédro, le vrai dialogue exige de l’humilité et un engagement à la compréhension, où toutes les parties reconnaissent la validité de la foi de l’autre.

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Remerciements : Samuel Amédro
Entretien mené par : Jean-Luc Mouton
Technique : Quentin Sondag, David Gonzalez