On exprime généralement le sens de l’Ascension à travers 4 dualités. D’abord : présence et absence de Jésus. Jésus est pour nous désormais exclusivement présent spirituellement. Calvin et Zwingli utilisent cette réalité pour dire que Jésus ne peut pas être matériellement présent dans la Cène. Ensuite : l’Ici-bas terrestre et l’En-haut céleste. L’Ascension nous invite à nous tourner avant tout vers le Ciel. Cette conception comporte un danger : nous faire tomber dans un spiritualisme exsangue (voir Col 3. 1-2) et nous conduire à un mépris de notre condition physique, présente et terrestre, pourtant si valorisée par la symbolique de l’Incarnation. D’autre part : le départ et le retour du Christ.
D’après les Actes des Apôtres, ch. 1 – texte central consacré à l’Ascension –, Jésus reviendra de la même manière qu’il est parti (v.11). Il s’agit là, dans la perspective mythologique évoquée plus haut, d’une visée concernant la fin des temps. Enfin : immobilisme et marche. La conclusion du récit des Actes est une interpellation adressée aux témoins de l’Ascension : « Pourquoi restez-vous là à regarder le Ciel ? » Cette interrogation est décisive. Elle est le refus d’une passivité, sorte d’aliénation religieuse, nous conduisant à attendre de Dieu ce qui relève en réalité de notre engagement et d’une mise en route. Un christianisme pratique est ainsi inséparablement uni à un christianisme spirituel.
Aujourd’hui, dans bien des paroisses, l’Ascension n’est plus fêtée. Pourquoi un tel désintérêt ?
Il y a d ’abord la place minime accordée à l’Ascension de Jésus dans le Nouveau Testament. Pas un mot à son sujet, par exemple, dans l’évangile de Matthieu. D’ailleurs, l’Ascension n’est devenue une fête chrétienne qu’assez tardivement, à la toute fin du 4e siècle. Précédemment, elle fut souvent vécue en même temps que Pentecôte. On dira surtout le caractère mythologique de cette élévation de Jésus au ciel. Mais si ce caractère constitue un empêchement, il devrait nous gêner tout autant pour les autres fêtes chrétiennes. Or ce n’est pas le cas. De toute façon, le message évangélique est inscrit dans une conception du monde qui n’est plus la nôtre et on doit invariablement le dégager du moule dans lequel il est coulé. La question est plutôt : quel sens trouver à l’Ascension ?
On peut envisager une autre interprétation, belle et très forte , quoique moins classique, mais fréquente dans le cadre de la confession orthodoxe. À Noël, en Jésus, Dieu descend vers l’homme ; à l’Ascension, en Jésus, l’homme est élevé à Dieu. On peut donc dire : i l faut que Dieu naisse en l’homme et que l’homme naisse en Dieu. Cette signification (ma préférée) de l’Ascension nous détourne d’une vision pessimiste de l’homme ; elle dit le oui de Dieu à notre humanité.