L’écrivain a été récompensé par le Goncourt de la poésie en 2003 et est entré dans « La Pléiade » en 2014. Il est considéré en France comme un très grand poète, lu, étudié et traduit dans le monde entier. Il est l’auteur de poèmes (« l’Effraie », « A travers un verger »), de carnets (« la Semaison ») mais aussi d’essais (« l’Entretien des Muses »). Il était également le traducteur de Hölderlin, Rilker, Musil ou Thomas Mann et de nombreux autres.

On lui doit notamment ses vers :

 

« Les larmes quelquefois montent aux yeux 
comme une source,
elles sont de la brume sur des lacs,
un trouble du jour intérieur,
une eau que la peine a salée. »

 

 

Philippe Jaccottet est né le 30 juin 1925 à Moudon, entre Lausanne et Berne, dans le canton de Vaud, en Suisse. Lors d’un long et très beau entretien accordé au Grand continent, il raconte :

« J’ai été éduqué dans la religion protestante car mes parents n’auraient pas imaginé d’autre éducation et évidemment j’ai peut-être plus lu la Bible que ne l’auraient fait des camarades catholiques. Chaque année à Lausanne, les Passions de Bach étaient présentées, ce qui m’enthousiasmait beaucoup mais je n’étais déjà plus vraiment croyant.
En dehors de ce lien, à travers les grandes œuvres et les grands livres, car la Bible est un très grand livre, j’ai gardé un grand respect pour la religion, mais celui-ci n’est pas cantonné au protestantisme puisque je suis devenu un fanatique de Claudel. »

La spiritualité ne semble, en effet, ne pas l’avoir quittée. Dans une interview donnée au journal Le Monde en 1994, il témoigne de son intérêt pour des auteurs mystiques, catholique et musulman : « Le mot  » mystique  » demande à être employé avec beaucoup de scrupules. Mais il est vrai que, ces dernières années, j’ai relu beaucoup les poèmes de saint Jean de la Croix, une des cimes de la poésie à mes yeux, ou ceux de Rûmî, le grand mystique soufi. J’ai été éloigné de la religion par le protestantisme, tel qu’il vous était imposé dans mon enfance, en Suisse, comme quelque chose de glaçant ; mais, dans le même temps, je découvrais Claudel avec une admiration qui ne m’a plus quitté. Sans doute est-ce l’intuition de l’insaisissable comme source de la parole qui rapproche poésie et mystique. »

Oublié ou même rejeté Dieu ?

Philippe Jaccottet a-t-il, après avoir reçu une éducation protestante dans ses années d’enfance sur lesquelles il préfère ne pas revenir, oublié ou même rejeté Dieu ? Telle est la question que se pose Gérard Bochelier, poète, dans une publication de Foi&Vie de février 2016.

Selon le spécialiste, son œuvre témoigne à bien des égards du contraire : « Les références issues de la Bible et de l’Évangile ne manquent pas, notamment dans les carnets intitulés « Semaison », où le poète a noté, pour ne pas les perdre tout à fait, ses pensées et ses impressions fugitives au fil des jours. Un long fragment de 1971 est consacré au Christ dans La Semaison. Philippe Jaccottet y déclare que son instruction religieuse protestante lui représentait le monde divin comme « une autorité invisible, d’ordre moral, quelque chose comme une haute conscience qui vous faisait hésiter de commettre telle ou telle faute, en particulier, bien entendu, charnelle ». De ce fait, le Christ n’avait pas pour lui « de présence réelle, sensible » . »

Gérard Bochelier souligne également que le poète suisse étant  incapable de prier Dieu ou de le nommer : « « Je n’ai jamais su prier, je suis incapable d’aucune prière », avoue-t-il dans Beauregard. Pourtant, la prière existe, elle ne disparaît pas de ce monde qui rejette si souvent son créateur, seulement elle n’est plus prononcée, pour ainsi dire, sur des lèvres humaines. « Là, entre le jour et la nuit, quand le porteur du jour s’est éloigné derrière les montagnes, il me semble que les prés pourraient être une prière à voix très basse, une sorte de litanie distraite et rassurante comme le bruit d’un ruisseau, soumise aux faibles impulsions de l’air. »

L’éditeur de Philippe Jaccottet, Gallimard, venait d’annoncer la parution prochaine de deux nouveaux livres, un recueil de proses, La Clarté Notre-Dame, et un bref recueil de poèmes, Le Dernier des madrigaux. Ils seront en librairie le 4 mars.