C’est un échec comme tout divorce après des années de vie commune. Il s’inscrit dans le mouvement général de montée de la vague populiste. Elle s’exprime différemment selon la particularité de chaque pays, mais la tendance est indéniable. Pour l’expliquer, j’aime la formule de Régis Debray qui dit que le Coca-cola crée l’Ayatollah : la mondialisation des biens et des personnes suscite en effet boomerang une recherche d’identité qui peut aller jusqu’à la crispation identitaire.
Gardons-nous de mépriser cette quête, on la trouve aussi dans la Bible. Dans le livre d’Esdras, c’est quand le peuple est fragilisé dans son identité au retour d’exil qu’il développe la politique xénophobe la pus contestable en proposant l’expulsion des femmes étrangères.
Pourtant l’Europe demeure une belle ambition. À moment de la campagne pour l’élection du parlement européen, j’ai écrit dans ce blog qu’elle me semblait être le bon niveau pour traiter les trois questions cruciales de notre temps : la question des migrations, la menace écologique et la régulation du capitalisme international. Les deux derniers points seront au cœur des négociations sur les relations entre la Grande-Bretagne et l’Union européenne.
Le départ des Anglais oblige l’Europe à remettre sur le métier la question de l’équilibre entre la réalité européenne et le respect des identités nationales et régionales. Qu’elle redevienne une mosaïque quand elle a tendance à devenir une tour de Babel. Qu’elle retrouve la beauté des diversités selon ce beau texte de l’ancien dissident tchèque, Ludvik Vaculik qui a fait à mes yeux le plus beau portrait de l’Europe : « J’ai pris conscience de l’Europe dans mon lit, quand j’étais petit, en regardant la carte de l’Europe. L’âme compliquée de l’Europe procède de son terrain, du contour ondulé de ses rives, de la hauteur des montagnes, du climat et de la direction des rivières. Sur chaque baie un duc différent régnait, une île avait son roi, et comme de l’autre côté de chaque montagne, on parlait une autre langue, il était impossible d’établir une administration unique, nul conquérant n’a pu s’emparer de l’Europe d’un trait, il butait toujours sur un obstacle perdant temps et force. Sur les territoires conquis il laissait derrière lui des communautés insurgées qui, en dépit de leurs dimensions se proclamèrent état et en dépit de leurs dimensions firent de leur patois, une langue administrative et rien n’y a changé jusqu’à nos jours. Chassés d’un endroit, prédicateurs, enseignants, artistes, savants, s’établissaient un peu plus loin et personne n’y pouvait rien. Autant d’avancées dans le contour de l’Europe, autant de politiques différentes, autant de montagnes, autant de forteresses, de châteaux, de dynasties, autant de temples, autant de prêtres, presque autant de bibles différentes que d’Église. »
L’Europe est belle lorsqu’elle est un kaléidoscope qui conduit à la célébration de la différence.