Je le confesse : j’aime Israël. Dans tout attachement, il y a une part mystérieuse, mais cela ne m’empêche pas de réfléchir. J’ai écrit un livre intitulé « Nos racines juives » dans lequel j’ai essayé de montrer que ces racines sont constitutives de ma foi chrétienne. C’est pourquoi je me sens en amitié avec le peuple juif.

En plus de toutes les autres raisons, je me reconnais dans la position de Jacques Ellul qui disait qu’en tant que chrétiens, nous avons vingt siècles d’antisémitisme à nous faire pardonner.

Quand j’étais directeur de Réforme, on m’a parfois fait le reproche de ne pas soutenir plus franchement le combat du peuple palestinien ou de ne pas être un soutien inconditionnel de l’État hébreu. J’ai toujours essayé de rester sur une position réservée à partir de la conviction qu’il n’y aurait de solution au conflit que dans le compromis. Pour le favoriser, le plus important à mes yeux est de dépassionner et de désidéologiser le débat parce qu’on ne fait pas de compromis avec la passion ni avec l’idéologie.

Parce que j’aime Israël, je ne peux me taire sur le projet d’annexion d’une certaine partie du territoire palestinien. C’est à mes yeux une faute morale et politique.

Une faute morale parce que dans la Bible, le don de la terre est indissociable de la justice. Le pentateuque comme les livres prophétiques ne cessent de dire que si Israël n’est pas fidèle sur sa terre, elle lui sera retirée. Or la situation dans laquelle vivent les Palestiniens est le contraire de la justice. Cette injustice devrait être une blessure dans le cœur de tous les Israéliens.

Une faute politique parce que ce projet d’annexion n’est possible que parce qu’Israël est en position de force. Il y a deux mille cinq cents ans déjà Thucydide disait en méditant sur la chute d’Athènes : « Nul n’est assez fort pour être sûr d’être toujours le plus fort. » En jouant la tension avec les Palestiniens et les pays arabes, Israël prend le risque de trouver un jour plus fort que lui.

C’est quand on est fort qu’il faut avoir la sagesse de renoncer à la force et de faire la paix pour préparer l’avenir. Il est injuste et dangereux d’humilier son adversaire.