Encore un triste jour pour les libertés publiques en Russie. Mercredi 29 décembre, la dissolution du Centre des droits humains de l’ONG Memorial a été ordonnée par un tribunal de Moscou, rapporte France 24. La veille, la Cour suprême russe décidait de dissoudre la structure mère de l’organisation, Memorial International, pilier de la défense des libertés dans le pays. D’après l’AFP, le tribunal “a décidé d’accéder à la requête du procureur de dissoudre l’organisation de défense des droits Memorial et toutes les entités rattachées”, dixit le juge Mikhaïl Kazakov.
L’ONG avait été fondée en 1989 par des dissidents soviétiques qui souhaitaient sauvegarder la mémoire des victimes du stalinisme, rappelle L’Express. Memorial s’était ensuite imposée comme un symbole de la société civile. En outre, ces deux dissolutions prononcées coup sur coup couronnent une année 2021 marquée par la répression croissante de toute voix dissonante vis-à-vis du Kremlin et du règne de Vladimir Poutine.
“Pratiques autoritaires, répressives, coercitives du passé”
“L’association Mémorial, depuis sa création, a beaucoup œuvré pour la réhabilitation de l’histoire des répressions staliniennes, tout en développant aussi un point de vue critique pour essayer d’engager une réflexion publique sur ce qu’a été le stalinisme et ce qui s’est passé à ce moment-là”, analyse Françoise Daucé, directrice d’études de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), auprès de RFI.
Et la spécialiste de la Russie, membre de l’ONG Mémorial France, de s’indigner : “En liquidant l’ONG Mémorial, on a l’impression que c’est ce regard critique sur le passé qui est interdit, et on a le sentiment de voir à nouveau ces pratiques autoritaires, répressives, coercitives du passé. Donc finalement, c’est tout ce travail sur l’Histoire qui ne peut pas être fait, ce qui interroge sur le devenir de la société russe et le risque d’un retour à ces pratiques terribles du passé.”
“Terribles pertes”
Déjà, hier, de nombreuses voix, à l’intérieur du pays comme à l’international, s’étaient élevées pour s’indigner du sort de cette ONG emblématique. “Je me sens vraiment mal”, a réagi Anna Vialkina, designer de 29 ans, les larmes aux yeux, selon l’AFP. “Comme je suis descendante de victimes des répressions, j’ai vécu tout ça très intensément”. “C’est une tragédie pour la société civile, c’était la seule association qui aidait les gens à connaître le sort de leurs proches” victimes des répressions, a déploré Léonid Bakhnov, un écrivain de 73 ans.
“La dissolution de Memorial International est une terrible perte pour le peuple russe, qui a le droit de bénéficier d’une connaissance juste de son passé et d’une société fondée sur les valeurs fondamentales portées par le Conseil de l’Europe”, a déclaré chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, dans un communiqué.