Pour protéger un avocat lié à l’institution, l’Église anglicane aurait tu une affaire d’agressions physiques et sexuelles. Un choix dénoncé dans un rapport publié jeudi dernier outre-Manche, selon lequel les faits auraient eu lieu entre les années 1970 et le milieu des années 2010. Mardi 12 novembre, Justin Welby, le chef spirituel des anglicans, a annoncé sa démission, rapporte Swissinfo. « J’espère que cette décision montre à quel point l’Église d’Angleterre comprend la nécessité d’un changement, et notre engagement profond à créer une Église plus sûre« , a écrit l’archevêque de Canterbury dans un communiqué.

Depuis la publication du rapport, sa position était devenue intenable, même s’il est devenu primat de l’Église anglicane en 2013. Ces derniers jours, les appels à la démission s’étaient multipliés. Le rapport met au jour les violences physiques et sexuelles commises par John Smyth, un avocat associé à l’Église d’Angleterre, mort en 2018. Selon le rapport, John Smyth s’en est pris à plus de 130 garçons et jeunes hommes. Il aurait d’ailleurs pu être traduit en justice si l’archevêque de Canterbury avait prévenu les autorités en 2013, à l’occasion du sommet de l’Église. C’est à ce moment que l’institution a été informée des violences physiques et abus sexuels commis par l’avocat.

« Responsabilité personnelle et institutionnelle »

« Il est très clair que je dois assumer la responsabilité personnelle et institutionnelle de la longue période traumatisante qui s’est écoulée entre 2013 et 2024 », a déclaré Justin Welby, jeudi dernier. Il avait ajouté : « Ces derniers jours ont ravivé le profond sentiment de honte que j’éprouve depuis longtemps face aux échecs historiques de l’Église d’Angleterre en matière de protection. » L’archevêque assure que « pendant près de douze ans, [il a] peiné à apporter des améliorations. Il appartient à d’autres de juger ce qui a été fait ».

Peu avant sa réaction, Keir Starmer, le Premier ministre, avait estimé que les victimes de John Smyth avaient « été gravement, très gravement abandonnées ». Samedi, trois membres du synode général, l’organe élu chargé de trancher sur les questions de doctrine, avaient même lancé une pétition appelant Justin Welby à démissionner. Un document signé par 14 000 personnes. Le révérend Ian Paul, l’un de ses auteurs, s’est dit mardi « profondément attristé par la situation ». Il espère qu’il s’agira d’un « premier pas vers un changement culturel » au sein des hautes instances de l’Église.

Un visage familier pour les Britanniques

Dans ce contexte, Justin Welby a échangé via des intermédiaires avec le roi Charles III, gouverneur suprême de l’Église d’Angleterre, qui a accepté sa démission. « Alors que je me retire, je le fais avec une profonde tristesse pour toutes les victimes et survivants d’agressions », a assuré le père de famille. Justin Welby est devenu un visage familier pour les Britanniques. Il a, en effet, officié durant plusieurs événements royaux majeurs, comme les obsèques de la reine Elizabeth II et le couronnement du roi Charles III.

Ordonné diacre en 1992 après une carrière lucrative dans le pétrole et la finance, il a toujours affiché des vues modérées sur les sujets de société qui divisent habituellement l’Église. Ainsi, en 2023, il avait soutenu une réforme visant à autoriser la bénédiction des unions et mariages civils de couples de même sexe. Il n’avait pas non plus hésité à critiquer le projet de loi du gouvernement conservateur visant à expulser des migrants illégaux vers le Rwanda.

Président d’une association caritative

Cette affaire n’est pas la première à secouer l’Église d’Angleterre. En 2020, un autre rapport l’avait accusée d’avoir laissé perdurer une « culture » permettant aux auteurs de violences sexuelles sur mineurs de se « cacher » et d’échapper à la justice.

Quant à John Smyth, il présidait une association caritative gérant des camps de vacances avec l’Église anglicane. Ce qui fait de lui « sans doute l’agresseur en série le plus prolifique associé » à cette institution. Le rapport rendu public la semaine dernière détaille les souffrances physiques, sexuelles et psychologiques « brutales et horribles » infligées à ses victimes, au Royaume-Uni mais aussi au Zimbabwe, et en Afrique du Sud où il a vécu. L’affaire a éclaté en 2017, après la diffusion d’un documentaire par la chaîne Channel 4. Pourtant, de nombreuses victimes auraient pu être épargnées puisque des responsables du culte ont eu vent des abus commis par John Smyth dès le début des années 1980.

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