Le détenu est pris dans une spirale oppressante et angoissante qui l’empêche de penser sa sortie et sa réinsertion.

La politique pénale, depuis de très nombreuses années, travaille sur l’individualisation de la peine, sorte de mantra institutionnel qui a du mal à se traduire dans les faits. Pourtant une idée venant d’Espagne arrive doucement en France : il s’agit du module « Respecto ».

Des détenus choisis et volontaires vivent au sein d’une détention plus souple, en contrepartie de laquelle ils s’engagent à respecter un certain nombre de règles et à avoir une attitude collaborative avec le personnel. La première expérimentation a eu lieu en 2014 au centre de détention de Mont-de-Marsan puis, en 2016, Léa Poplin, alors directrice de la maison d’arrêt de la Seine-Saint-Denis, décide d’installer un « module Respect » dans sa prison. Certains pessimistes lui prédisent un échec assuré dans une prison occupée à 200 % par un public jeune et violent. Trois ans plus tard, la nouvelle directrice, Anne-Lise Maisonneuve, continue avec enthousiasme ce programme, et la liste des détenus qui souhaite l’intégrer s’allonge de jour en jour. Le module occupe, dans la prison, un quartier de 200 places. Chaque personne a la clé de sa cellule pendant la journée, va à sa guise à la bibliothèque, en salle de sport ou en promenade, peut prendre une douche quotidienne.

Une détention sans violence

Pour venir dans le quartier « Respect », il faut ne pas avoir eu de rapport d’incident pendant les trois mois précédant la demande, ne pas être incarcéré pour des faits de terrorisme et ne pas avoir une affaire trop médiatique. Il faut, outre ces critères, s’engager à prendre soin quotidiennement de sa cellule, accepter des tâches collectives, participer à 25 heures hebdomadaires d’activité et entretenir de bons rapports avec le personnel et les autres détenus. Les résidents de cette détention particulière sont évalués toutes les semaines, ils gagnent ou ils perdent des points. S’ils en perdent trop, ils risquent l’exclusion ; s’ils en gagnent, ils ont droit à quelques avantages. Il n’y a pratiquement pas de violence entre détenus ou avec le personnel, fait remarquer la directrice.

« La politique pénale, depuis de très nombreuses années, travaille sur l’individualisation de la peine, sorte de mantra institutionnel qui a du mal à se traduire dans les faits »

Les surveillants, qui ont tous été volontaires pour travailler dans le bâtiment, ont plus de temps pour parler avec les détenus car les portes ouvertes leur épargnent la gestion complexe des mouvements, lot commun du reste de la prison. Les détenus sont partie prenante de la vie du bâtiment puisqu’ils siègent dans deux commissions : l’une qui propose l’organisation d’activités et l’autre qui accompagne la vie quotidienne de la détention. L’objectif affiché de ce dispositif est de favoriser l’autonomisation de la personne et donc, à terme, une meilleure réinsertion. C’est d’autant plus important dans le cadre d’une maison d’arrêt que la plupart des détenus sont là pour une détention de courte durée. Il est donc essentiel que la prison ne les désocialise pas trop. Inconvénient majeur, selon certains, cela crée une détention à deux vitesses : si ce quartier « Respect » est possible, c’est parce qu’à côté il y a une autre détention plus négligée. La valeur de l’un se ferait au détriment de l’autre. Même si la critique est recevable, il est remarquable que la réflexion pénitentiaire se penche sur les conditions de différenciation du régime d’enfermement pour ne pas faire de la prison qu’un lieu d’exclusion mais aussi un lieu où l’on repense le lien social.

Brice Deymié, aumônier national des prisons, Fédération protestante de France