Depuis le début du mois de février, un débat public a été initié par le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) « afin d’éclairer les acteurs politiques qui porteront la révision de la loi bioéthique à la fin de l’année 2018 ». 

Les États généraux de la bioéthique lancés en février ne souhaitent pas engendrer « un débat d’experts » mais un débat citoyen. C’est à chacun de faire entendre sa « pensée singulière », de faire résonner « ses arguments », non dans le but de « convaincre » l’autre mais, bien plus fondamentalement, pour participer à un débat sur les sens de l’existence et de la mort, du progrès et de la médecine. Participer à ce débat en sachant que personne, dans ces domaines, comme dans beaucoup d’autres, n’a « La » Vérité, mais en croyant que l’intelligence collective sera toujours plus forte que la pensée d’un homme providentiel, quel qu’il soit, et saura triompher des lobbies de toutes sortes.

Questions

La Gestation Pour Autrui soulève de nombreuses questions éthiques : celles des liens indéfectibles tissés in utero entre la mère et l’enfant ; celle des risques, réels, aggravés de surcroît par de multiples grossesses, pris par la mère porteuse et dont pourrait être victime l’enfant porté ; celles enfin du commerce, de la marchandisation du corps humain et des dérives auxquelles celle-ci peut conduire. Ces questions éthiques existent. Mais suffisent-elles à enterrer toute gestation pour autrui ? Je ne le crois pas. Un peu comme Jean Calvin, à Genève, au sujet du prêt à intérêt, je crois qu’il est possible de reconnaître la possibilité d’une gestation pour autrui en l’encadrant de tous côtés.

Encadrement

D’abord du côté de ceux qui pourraient y prétendre. Pas question de recourir à une GPA pour ne pas voir son ventre changer, se déformer ou par peur de ne pas perdre les kilos qui sont associés à toute grossesse. La GPA s’adresse à des couples en souffrance, dont les femmes ont tout pour être mère…sauf l’utérus. Des femmes « dont l’infertilité est liée à une malformation congénitale, à une intervention chirurgicale consécutive à un cancer ou à une hémorragie de la délivrance ou à une exposition in utero au diéthylstilbestrol (notamment sous la forme du Distilbène) ». Les cas de GPA seraient ainsi, forcément, limités. Ensuite, il conviendrait de réglementer les conditions financières de la GPA. Pas question là aussi de tirer profit de la souffrance d’autrui. Pas question non plus de faire commerce du corps humain : de multiples mafias sauraient prendre parti de la misère du monde pour susciter des milliers de « vocations » de mères porteuses ! La GPA est forcément un don sans contre-don possible ni imaginable. Des remboursements sur facture seraient toutefois nécessaires pour couvrir les frais de déplacement (de la mère porteuse vers les futurs parents), les frais médicaux…

Enfin, l’encadrement doit concerner aussi les mères porteuses. Pas question de l’ouvrir à de jeunes femmes, dont ce serait la première maternité. Il ne faut pas que la GPA rende impossible de futures grossesses. Elle ne devrait pas non plus être ouverte à celles qui ont dépassé l’âge raisonnable pour mener une grossesse sans risques, pour elles ou pour l’enfant. Entre les deux, il reste un monde. Un monde pour des femmes qui veulent permettre à d’autres femmes souffrant d’une stérilité quasi interdite (la stérilité masculine bénéficie du don de sperme, la stérilité ovarienne du don d’ovocytes) de pouvoir enfin donner la vie. Et quoi de plus beau que le don gratuit et inconditionné de la vie ? Les chrétiens que nous sommes sont bien placés pour le savoir nous qui vivons du don gratuit et inconditionné de Jésus-Christ. Alors oui, la question est complexe mais le « jeu n’en vaut-il pas la chandelle » ?