Elle trouve sa source dans une quête de solidarité et de justice, en réponse à la solitude générée par l’hypermodernité.
Jusque dans les années cinquante et soixante du vingtième siècle, la France offrait deux grands projets de socialisation à travers l’Église catholique et le Parti communiste. Ces deux institutions proposaient une compréhension du monde, une raison de vivre, une presse, des mouvements de jeunesse, des lieux d’engagement et de formation… Dans le dernier tiers du vingtième siècle, ces institutions ont perdu leur surface sociale et n’ont été remplacées par rien, ce qui a laissé les personnes seules, seules face à leur travail, leur sexualité, leur consommation, leurs écrans…
Le mouvement des gilets jaunes peut s’analyser comme une quête spirituelle. Sur les ronds-points, les hommes et les femmes ont retrouvé une fraternité, un lieu d’engagement, un combat pour la justice avec ses rites (les merguez), ses liturgies (les manifestations du samedi) et ses martyrs (les blessés).
Le gouvernement a essayé d’y répondre avec une enveloppe de dix-sept milliards d’euros injectés dans le pouvoir d’achat des Français. Il en aurait mis deux fois plus, ça n’aurait toujours pas été suffisant parce ce que la racine profonde du mouvement est une quête de sens et de solidarité qui ne peut s’acheter avec de l’argent.
La grille de lecture religieuse permet aussi d’expliquer les dérives du mouvement et les monstres qu’il génère. La violence s’apparente à la violence religieuse jusque dans son souci de destruction des symboles républicains : Quand on est sûr d’agir pour la Justice avec un J majuscule, tous les moyens sont permis ! Ensuite le manque de compromis qui est le fruit d’une vision dualiste du monde : le juste et l’injuste, les pauvres et les riches, le peuple et les privilégiés. On ne négocie pas avec le mal : on le combat.
Sous sa forme actuelle, le mouvement va inéluctablement s’éteindre, mais les raisons qui l’ont suscité subsistent : un défi pour les Églises.