L’hommage à Samuel Paty a mis en valeur un métier qui est de moins en moins bien considéré. Dans l’éditorial du Réforme de cette semaine, j’écrivais que les enseignants étaient les soutiers de la société. Dans un bateau, le soutier est celui qui est dans la cale et qui met du charbon dans la chaudière pour que le navire avance. Il fait un travail peu considéré, mais sans lui, le bateau ferait du surplace.

Quand j’étais étudiant en théologie, on racontait que dans certaines bonnes familles protestantes, lorsqu’un enfant voulait devenir pasteur, on lui disait : « Tu ferais mieux de faire médecine, tu gagneras plus. » Aujourd’hui, la même famille dirait à un enfant qui veut être professeur : « Tu ferais mieux d’être informaticien ou de travailler dans la finance, tu feras un métier moins difficile et tu gagneras beaucoup plus. »

Deux citations rappellent la noblesse du métier. La première est de Charles Péguy : « Je connais, je pourrais citer moi tout seul, moi tout petit, cent-cinquante professeurs de l’enseignement secondaire qui font tout, qui risquent tout, qui bravent tout, même et surtout l’ennui, le plus grand risque, la petite fin de carrière, pour maintenir, pour sauver tout ce qui peut encore être sauvé. » Cette parole a été écrite il y a plus d’un siècle, elle aurait sa place sur la première page du journal de ce matin.

La seconde est de Luc Ferry qui a été ministre de l’Éducation nationale : « le meilleur instituteur de France, dont les effets bénéfiques pour les enfants sont d’une valeur inappréciable… ne gagnera jamais que son modeste salaire d’instit ! Il n’empêche que nous lui devons parfois plus, infiniment plus, qu’à nos surhommes du CAC 40. »

Parmi tous les signaux inquiétants de l’évolution de la société, la dépréciation du métier d’enseignant n’est pas le moins inquiétant.