Face à la guerre en Ukraine, l’Église nous appelle à prier pour la paix et à accueillir les réfugiés. Cette attitude est très juste, mais elle apparaît dérisoire devant le drame des bombardements qui ravagent l’Ukraine. Les théologiens sont trop souvent silencieux pour nous aider à penser l’actualité.
L’attitude pacifiste a sa cohérence et les mennonites ukrainiens ont le courage d’essayer de mettre en pratique leurs convictions, mais face à un ennemi qui a peu de conscience morale, ils sont démunis. L’Évangile dit dans un de ses versets les plus radicaux de ne pas résister au méchant au nom du principe de non-violence (Mt 5, 39), mais qui conseillerait aux Ukrainiens de le mettre en pratique ?
L’autre position est celle de la guerre juste. Jacques Ellul disait que le terme était inapproprié puisque la guerre est toujours porteuse de mal. Elle répond à la violence par la violence et cet enchaînement est exponentiel. S’il n’y a pas de guerre juste, il y a des guerres inévitables mais, ajoutait le théologien, il ne faut pas se faire d’illusions, la logique de la guerre veut que chacun aille jusqu’au bout des moyens dont il dispose. C’est pourquoi on peut craindre qu’un jour la Russie en vienne à utiliser ce qu’on appelle par euphémisme des armes non conventionnelles.
Dans l’Évangile, la parole est grâce et vérité (Jn 1, 14-17). Le contraire de la grâce, c’est l’oppression ; et le contraire de la vérité, c’est le mensonge. Alexandre Soljenitsyne a associé les deux lorsqu’il a déclaré dans son discours de réception du prix Nobel : « La violence ne trouve son refuge que dans le mensonge et le mensonge ne trouve son appui que dans la violence. Tout homme qui a opté pour la violence doit inexorablement choisir le mensonge comme son principe. » Cette réflexion est d’une actualité brûlante en Russie.
On peut appliquer au dictateur russe l’adage du Talmud qui dit à propos d’un menteur : « Non seulement ce qu’il dit n’est pas vrai, mais le contraire de ce qu’il dit aussi. » Contre la logique du mensonge qui décrédibilise toute parole, la vérité est un combat qu’il faut mener. Les journalistes qui racontent et les témoins qui témoignent luttent contre la violence en dénonçant les mensonges. Ils font œuvre d’Évangile selon cette autre parole du Christ : « Il n’y a rien de voilé qui ne doive être révélé, rien de caché qui ne doive être connu » (Mt 10, 26).