Lyon, jadis capitale des Gaules, passe pour avoir été la capitale de la Résistance, puisque Paris se trouvait en zone occupée. Cette représentation de la ville exige de nos jours une vigilance accrue.
« Dès la Débâcle, a fortiori au lendemain de l’armistice – puisque Lyon se trouvait en zone dite libre – de très nombreuses personnes ont trouvé refuge dans notre ville, rappelle Florence Delaunay. De façon corollaire, les résistants se sont organisés ici plus qu’ailleurs, le Vieux Lyon comme le quartier de la Croix-Rousse permettant ce qu’on pourrait appeler des relations sociales discrètes. Mais si la ville n’a pas été bombardée, elle compte aussi au rang des martyrs, la répression menée par les nazis et les collaborateurs ayant atteint chez nous un degré très élevé. Cette réalité historique a pris la forme d’un héritage mémoriel qui façonne, encore aujourd’hui, notre imaginaire collectif. »
Jean Moulin, au cœur de la politique mémorielle
On le devine, la figure de Jean Moulin en demeure le symbole. Conduisant une action pédagogique tout à fait complémentaire du travail accompli par l’Education nationale, la mairie de Lyon poursuit la politique mémorielle des équipes précédentes, et veille à ce que Jean Moulin vive dans le cœur et l’esprit des jeunes lyonnais.
« Quatre éléments constitutifs de son parcours permettent aux jeunes d’aujourd’hui de s’identifier à Jean Moulin, souligne Florence Delaunay. Tout d’abord, il était impliqué dans les débats de son époque, en particulier dans le domaine culturel, sans verser dans un conformisme de pensée, ce qui en fait un héros somme toute très moderne. On peut dire aussi qu’il était antiraciste, puisqu’il a voulu se suicider plutôt que de signer un document accusant des troupes coloniales françaises de viol ; de surcroît, c’était l’unificateur des mouvements de résistance, lesquelles avaient beaucoup de raison de ne pas se réunir ; enfin, les résistants qui l’entouraient l’accompagnaient, étaient des jeunes et particulièrement des femmes. » On voit par là que la figure de Jean Moulin contribue à la transmission de la mémoire de la Résistance.
« Le travail mémoriel a pour vocation de permettre à tous les habitants de s’intégrer à la vie de la Cité »
Mais Lyon n’est pas seulement l’ancienne capitale de la Résistance, où s’est tenu le procès de Klaus Barbie. C’est là aussi qu’a surgi la peste révisionniste en la personne de Robert Faurisson. Voilà pourquoi l’équipe municipale veille à inscrire le souvenir des martyrs dans la pierre : désormais, toutes les écoles de la ville disposent d’une plaque sur laquelle est écrit le nom des enfants déportés. « Nous considérons que la mémoire doit servir le territoire et les habitants aujourd’hui, déclare Florence Delaunay. Le travail mémoriel a pour vocation de permettre à tous les habitants de s’intégrer à la vie de la Cité. C’est bien parce que les grands événements de notre vie collective sont pris en compte, honorés, mises en lumière que chacune et chacun des habitants peut trouver sa place, se sentir accepté dans la société, s’épanouir dans sa citoyenneté. »
Dans ce contexte, la Mairie veille à mettre en valeur tout ce qui se réfère à la paix, toute commémoration servant à promouvoir le rapprochement entre les peuples – plutôt que le chauvinisme, évidemment… – mais encore de faire connaître « le rôle des femmes dans l’histoire du pays. »
Les jeunes, acteurs de la mémoire
Bien sûr, tout n’est pas rose. Ici comme ailleurs, certains se détournent de ce passé dont ils pensent qu’il leur est étranger. Alors, par une politique attentive à l’endroit des enfants et des adolescents, la ville de Lyon mène une action dynamique.
« Nous travaillons beaucoup avec le Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation(CHRD) et l’Education nationale, insiste Florence Delaunay. Quand les jeunes sont acteurs de la mémoire, ils sont très enthousiastes. A l’inverse, si on propose aux jeunes le simple fait de rester debout sans rien faire, ils s’ennuient vite et semblent extérieurs à l’événement. Aussi, chaque fois que c’est possible lors d’une commémoration, invitons-nous des chorales ou des classes à présenter leurs projets pédagogiques, ce qui est fort apprécié. » La politique, en ses lettres de noblesse.
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