L’association historique concentre aujourd’hui l’essentiel de l’accueil social d’urgence.

«Il faut que je fasse chauffer l’eau pour les pâtes !» La pendule affiche bientôt 11h et en ce vendredi de juillet, Angélique Parreira s’avance avec une grande marmite en fonte dans les bras. L’éducatrice spécialisée s’attend à recevoir cinq ou six personnes à l’accueil de jour de Femmes de Paroles, situé dans le quartier de la Montagne verte à Strasbourg. «Ici, les femmes peuvent venir anonymement et se reposer dans un lieu sécurisé. Elles peuvent prendre une douche, se bichonner, laver leur linge», liste la quarantenaire. Elle a démarré sa carrière il y a 19 ans du temps où Femmes de Paroles était encore une association. En 2010, après des difficultés financières, la structure a été absorbée par le Home protestant. Cette association protestante travaille depuis 1878 à la protection des femmes précaires et à leur hébergement à Strasbourg. En 2014, elle a aussi pris sous son aile le foyer éducatif pour jeunes filles Clair Foyer, après une crise interne. Puis en 2016, le Home Protestant a encore repris les missions de l’association Regain, spécialisée dans l’hébergement de femmes en difficultés, et victime de l’arrêt des subventions du Conseil départemental du Bas-Rhin. Aujourd’hui, le Home Protestant est l’une des plus importantes structures d’action sociale d’urgence pour les femmes à Strasbourg. Elle agit en complément de SOS Femmes Solidarité, qui se concentre sur l’accueil de jour et l’hébergement temporaire. Avec 70 salariés, le Home s’occupe au quotidien d’environ 250 à 300 personnes, tous services confondus. La structure est répartie en huit pôles  : un foyer éducatif pour jeunes filles, une micro-crèche destinée aux familles en hébergement d’urgence, deux centres d’hébergement pour femmes, des appartements, un accueil de jour, de l’accompagnement et une résidence sociale.

Défendre l’hébergement collectif

Avant 2017, le Home protestant ne proposait pas d’appartements individuels à ses bénéficiaires, mais uniquement de l’accueil en foyers collectifs. «L’État questionne de plus en plus les logements collectifs mais il faut les maintenir», milite Régine Kessouri, directrice du Home protestant. «Dans les appartements individuels, les gens ont des ressources, ils participent au loyer donc forcément, le coût pour la collectivité est moins important. Le collectif coûte plus cher car cela implique des travailleurs sociaux, des veilleurs de nuit, et une prise en charge de gens en grande précarité qui, souvent, n’ont pas de ressources et ne sont pas autonomes», explique-t-elle. Valentin Karcher, éducateur spécialisé au centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) de La Montagne verte, ne dit pas mieux. Et lorsqu’il évoque les femmes qui fréquentent le Home Protestant, c’est le mot «dame» qu’il choisit. «Pour des dames en grande précarité, sous addiction, des jeunes sans ressources, ça peut être risqué de les placer en appartement. En logement éclaté, on ne peut pas les accompagner de la même manière», affirme le trentenaire. « Car il faut d’abord régler certaines problématiques profondes comme apprendre à vivre en collectivité, faire le ménage, payer une facture. Le collectif permet d’évaluer une situation», insiste-t-il. Les situations sont variées et souvent complexes, d’autant qu’en quelques années, le public qui se tourne vers le Home protestant a aussi évolué. «C’est difficile d’en faire une synthèse», explique Christian Krieger, vice-président de l’UEPAL et président de l’association depuis 2005. «Mais on voit une croissance importante des femmes victimes de violences ou touchées par des problèmes psychiatriques», observe-t-il. «Nous sommes très attentifs à la dimension de réinsertion. On ne peut pas se contenter de mettre ces personnes rapidement à l’abri», ajoute Christian Krieger, qui défend aussi le maintien des CHRS collectifs. Il pointe des logiques comptables contraignantes qui ne prennent pas nécessairement en compte la personne : «Le logement, l’alimentation… On morcelle la personne en problématiques dont certaines sont bien gérées et d’autres pas prises en considération.» Il est bientôt midi, à l’accueil de jour, Angélique Parreira égoutte les pâtes. La sonnette retentit, une dame âgée arrive. L’éducatrice lui demande de patienter encore quelques instants. «Elle n’a pas dormi de la nuit…», devine-t-elle.