Joseph Kassab, pasteur. Dès son origine, la mission du Christ a brisé les barrières ethniques et géographiques : « Vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. » Les chrétiens du monde entier deviennent frères et partenaires. L’Action Chrétienne en Orient est un de ces partenaires. Elle est liée aux chrétiens d’Orient depuis le début du XXe siècle, notamment aux Arméniens et aux Syriens après les massacres par les Ottomans.

La guerre en Syrie, suivie de la crise économique et de l’effondrement financier au Liban nous ont mis dans une position que nous ne pouvions même pas envisager et qui a changé la mission et la vision globale des Églises locales. Nous ne pouvions pas prédire une telle crise lorsque l’économie – et tout ce qui en découle – a commencé sa chute sans fin. La classe moyenne est devenue pauvre et les pauvres n’ont plus rien… Cette pauvreté extrême à laquelle viennent s’ajouter l’émigration, la crise du Covid et l’explosion du port de Beyrouth sont un tel fardeau qu’il ne peut être porté par les seules Églises de Syrie et du Liban.

Admettons-le, nos concitoyens n’auraient pas survécu sans le soutien international de nos partenaires dans la foi. Les gens avaient soudain besoin de tout dans leur vie quotidienne : nourriture, médicaments, mazout pour affronter l’hiver, eau, électricité, produits d’hygiène, gaz pour la cuisine etc…

Quels soutiens ?

Je vois trois orientations possibles pour lutter contre ce dénuement qui met la Syrie et le Liban au rang des pays les plus pauvres, avec un gouvernement incapable de soutenir sa population.

Une aide d’urgence pour permettre l’accès à de la nourriture, du chauffage et des soins médicaux pour les familles dans le besoin de notre réseau d’Églises. De quoi assurer une vie décente à nos pasteurs, à notre administration et nos directeurs d’école pour qu’ils continuent de servir l’Église plutôt que de s’exiler à l’étranger.

Une aide financière pour les élèves nécessiteux de nos écoles pour leur assurer un accès à l’éducation et à un avenir meilleur. Nos écoles pourront alors continuer à jouer le rôle historique qui est le leur de former des générations ouvertes à l’amour de Dieu.

La relation avec nos partenaires nous est précieuse dans cette agonie que nous traversons. Nous souhaitons qu’ils continuent de venir dans la région pour entretenir cet engagement profond par une présence effective et la prière. L’Action Chrétienne en Orient a toujours tenu à venir sur place pour nous rencontrer, même dans les moments les plus difficiles. Nous devons conforter ce lien historique maintenant centenaire. Ce n’est qu’avec une relation forte que nous pouvons servir la mission de Dieu et accomplir la promesse de Jésus qu’ensemble nous pouvons être le sel et la lumière du monde.

Une troisième voie

Si les problèmes avaient été limités au Liban et à la Syrie, nous aurions pu espérer des solutions. Hélas, la guerre russo-ukrainienne nous montre que le monde est en train de s’emballer et que la possibilité d’une guerre mondiale n’est plus exclue. Lorsque je vois la vague de réfugiés ukrainiens fuyant leur pays, cela me rappelle le sort des Syriens. Quel gâchis et quelle cruauté !

Søren Kierkegaard décrit la condition humaine comme une vie entre deux certitudes. La première est que nous allons tous mourir, la seconde que nous ne savons ni quand ni où. Seul l’homme en a conscience, ce qui génère en lui crainte et angoisse. Jésus, lui, vivait sa vie sans crainte ni angoisse, ouvrant la voie d’une troisième certitude : celle d’un Père aimant aux commandes qui brisera toutes les chaînes. L’Église est donc appelée à vivre le Christ au milieu de la crainte et de l’angoisse.

Pour l’Église, il y aura toujours plus de bénédictions que de difficultés. Jésus pourrait aujourd’hui regarder la plupart des Syriens et des Libanais et leur parler: « Voyant la foule, il fut ému de compassion pour elle, parce qu’elle était fatiguée et abattue, comme des brebis qui n’ont point de berger. » Pays en faillite, politiciens corrompus, pauvreté extrême, loi César et pour finir, coronavirus : tous ces malheurs subis sont autant d’occasions pour les chrétiens de témoigner de leur foi.

Une église transformée

Que reste-t-il à tous ces misérables si ce n’est la compassion du Christ dont l’Église est le corps sur cette terre ? 

La voix de Dieu nous parvient dans les moments de crise et pendant la tempête : « Ne crains rien. » Nous vivons dans une société qui a réellement besoin d’espoir et de confiance en Dieu. Les crises ont fait de nous une meilleure Église. Nous ne sommes plus cette Église entre quatre murs, qui se satisfait de prières, de cantiques et de quelques actes de charité. La Foi et l’Espérance ont une égale importance. Les chrétiens de Syrie et du Liban ont toujours gardé cette foi qui les a soutenus dans des moments plus rudes que ceux vécus actuellement. Remercions Dieu pour cette Espérance qui va au-delà des difficultés qui prévalent aujourd’hui. Dieu souffre avec nous. Dieu est sur la croix avec nous. Nous avons la certitude qu’Il agira et son intervention apportera la paix, la justice, la liberté, la démocratie, la tolérance religieuse et politique et plus de droits humains.

L’Espérance attendue en Syrie et au Liban est décrite dans de nombreux passages bibliques. Nous « comptons sur Dieu seulement », pas sur les hommes, pas sur les puissants. Voilà notre Espérance.

Par Joseph Kassab, pasteur

Sebouh Terzian, pasteur. Avant de répondre aux questions posées, nous devons nous rappeler pourquoi nous sommes des partenaires en mission. Le Christ est la tête de l’Église dont l’enseignement est le même, espérons-le, partout dans le monde. Tous les chrétiens ont, ou devraient avoir, la même foi. Ce qui pourrait les distinguer est simplement leur environnement ou leurs conditions de vie. Le christianisme et les chrétiens font face à des défis différents de par le vaste monde mais l’amour, la grâce et les bénédictions qu’ils reçoivent ne peuvent venir que d’une seule source, celle de notre Dieu tout-puissant. 

Une quadruple prière

La réponse évidente et sincère à la question « Qu’attendez-vous de nous ? » est : prier. Prier pour que les chrétiens et les Églises gardent la foi et persévèrent malgré les difficultés, non seulement au Moyen-Orient, mais partout dans le monde. Les chrétiens, comme d’autres, ont tendance à fuir leur pays quand des difficultés ou des persécutions surviennent. Les raisons de partir sont nombreuses. L’une d’elles est la crise économique, comme au Liban et en Syrie. On part aussi à cause des injustices dues à la corruption des gouvernements. De même le fanatisme religieux et les menaces à l’encontre des chrétiens incitent à fuir. Les guerres, le danger et le désespoir sont autant de motifs pour quitter le pays et trouver ailleurs la sécurité et une vie meilleure.

L’apôtre Paul dans Romains 5 : 3-5 écrit : « Bien plus, nous nous glorifions même des afflictions, sachant que l’affliction produit la persévérance, la persévérance la victoire dans l’épreuve, et cette victoire l’espérance. Or, l’espérance ne trompe point, parce que l’amour de Dieu est répandu dans nos cœurs par le Saint Esprit qui nous a été donné. » 

Tous ne peuvent pas se conformer à l’enseignement de Paul. Priez pour ceux qui restent et persévèrent et priez aussi pour ceux qui partent afin qu’ils puissent trouver la paix intérieure, la sécurité et le bien-être qu’ils recherchent.

Prier pour les médias qui ne sont jamais neutres. Ils ont tous des objectifs dissimulés quand ils couvrent une crise, une guerre ou même une simple nouvelle. Nous attendons des Églises, de nos pays ou d’ailleurs, qu’elles soient la voix de la vérité. Nous sommes reconnaissants de ce que nos partenaires nous visitent régulièrement et voient ce qui se passe réellement. Ils peuvent ainsi témoigner de la réalité auprès leurs Églises. Nous devons continuer à prier pour que la voix de la vérité soit plus forte que celle, déformée ou politisée, des médias.

Prier pour ceux qui sont dans le besoin. L’inflation causée par la guerre en Ukraine se ressent partout, mais la crise financière dans nos pays avait démarré bien avant. Ce sont les domaines médicaux et hospitaliers les plus touchés. La plupart des gens n’ont pas de couverture sociale, alors, en raison du coût des soins, beaucoup de malades ne sont plus traités et finissent par mourir. La vie quotidienne est devenue un combat! L’électricité si nécessaire pour vivre, travailler, apprendre, se chauffer fait défaut. Nous dépendons de générateurs qui fournissent l’électricité à un prix fort et qui ne cesse d’augmenter en raison de la pénurie et du prix élevé fuel. Elle est facturée en dollars quand les salaires sont payés dans la devise locale qui elle-même a subi de fréquentes dévaluations. Les salaires n’ont pas bougé et sont à peine suffisants pour couvrir la nourriture et les besoins élémentaires. Vu que le pays ne dispose pas d’un réseau de transport public, certains dépensent tout leur salaire pour l’essence qu’il leur faut pour aller au travail.

Prier pour les dirigeants et politiciens de nos pays et du monde entier. Nous refusons de sacrifier les pauvres au profit de la cupidité et du jeu de pouvoir des grandes nations.

Aucun changement à espérer

Un sentiment d’incertitude règne au Liban. Les élections législatives sont terminées, nous laissant avec quelques rares nouveaux élus voulant travailler pour le bien du pays. La majorité des anciens est de retour au pouvoir et aucun changement n’est à espérer dans un avenir proche. Les jeunes quittent le pays, sans espoir de retour. Dans quelques années, le tiers de la population sera constitué de personnes âgées. Les gens sont déprimés, voire désespérés. Ceux qui s’en sortent un peu mieux sont ceux qui sont payés en dollars ou qui ont quelqu’un de la famille qui travaille à l’étranger.

Les vrais héros

Il y a aussi ceux qui pourraient quitter le Liban ou la Syrie mais ont décidé de rester pour changer les choses. Ce sont eux les vrais héros. Ils sont convaincus qu’ils peuvent agir, peu importe où Dieu les place. Confiant dans le Seigneur et agissant en son nom, c’est par la foi qu’ils aspirent à résoudre les problèmes et les difficultés. Ils aiment leur pays. Il y a aussi les autres, peu nombreux, qui agissent à contre-courant et sont venus vivre parmi les gens pour les servir.

Nous pouvons aussi compter sur les contributions importantes des trois partenaires européens de l’ACO Fellowship – France, Suisse et Pays Bas – et de l’AMAA*. C’est grâce à eux et à ces héros méconnus que les gens sont toujours à même de couvrir leurs frais médicaux, de se nourrir, d’envoyer leurs enfants à l’école, et bien plus encore. Ce sont là des amis qui n’oublient pas leurs frères et sœurs dans d’autres pays et contribuent à soulager la vie de nos communautés.

Dieu appelle ceux qui L’entendent. Nous devons avoir la résilience de Job et rester fidèles au Créateur, même si nous estimons ne pas mériter tous nos malheurs. Nous devons accompagner notre peuple sur cette route incertaine et difficile et lui rappeler les promesses que Dieu a faites à ses disciples. Trois de ces promesses sont à partager :

  • Dieu est avec moi, je n’aurai donc pas peur 
  • Dieu est aux commandes, je ne douterai donc pas
  • Dieu est bon, je ne désespérerai donc pas 

Avec ces promesses à l’esprit, ce n’est certes pas un avenir meilleur qui s’ouvre devant nous, mais nous nous engageons sur une voie d’avenir, l’avenir vers lequel Dieu veut nous conduire.

Par Sebouh Terzian, pasteur