L orsque le Seigneur Jésus a rassemblé son « petit troupeau» (Luc 12,34), il leur a dit de ne pas avoir de crainte, mais de s’ouvrir à l’œuvre que Dieu réalisait à travers eux. Il pensait que deux ou trois suffisaient à former une équipe de personnes qui louent, travaillent et témoignent du message de l’Évangile. Malgré l’adversité croissante et leur faible nombre, Jésus a choisi de confier sa mission à quelques disciples, les envoyant servir, prêcher, guérir, chasser les démons, et même rendre la vie aux morts ! (Matthieu 10, 7-8).

L’exemple de l’Église arménienne au Moyen-Orient

L’Église Arménienne fait partie de la mosaïque du christianisme moyen-oriental depuis des centaines d’années, mais au cours du siècle passé elle est devenue plus visible dans cette région du monde. L’expulsion génocidaire des Arméniens de leur patrie les a poussés vers nombre de pays arabes. Là ils ont pu, jusqu’à un certain point, reconstruire leurs foyers, leurs institutions, leurs écoles, et particulièrement leurs Églises : apostolique (orthodoxe), catholique et évangélique. Mais ces trois déclinaisons de l’Église Arménienne sont restées minoritaires comparées aux autres Églises présentes depuis les origines au Moyen-Orient. Malgré sa petite taille et le traumatisme collectif, l’action de l’Église Évangélique Arménienne a été déterminante pour guérir et revigorer les survivants blessés et brisés du peuple arménien. Cela a été possible grâce au soutien de beaucoup, dont l’ACO, et en collaboration avec les autres Églises Arméniennes.

Dès son origine, au milieu du 19e siècle, l’Église Évangélique Arménienne a représenté une minorité dans la nation arménienne. Elle fut une part infime de levain dans la société, et comme le levain elle a joué un rôle déterminant dans son développement ecclésial, éducatif, culturel, sociétal et politique. Sans aucun doute elle continuera d’être une minorité (les Arméniens évangéliques) dans une minorité (les Arméniens) au sein d’une minorité (les chrétiens orientaux). De manière générale l’Église continue de décroître au Moyen-Orient; elle n’en est pas moins aimée de Dieu, ni moins nécessaire qu’auparavant à cet endroit.

L’Union des Églises Évangéliques Arméniennes au Proche Orient (UAECNE), regroupement de communautés présentes dans sept pays du MoyenOrient (plus l’Australie), est l’unique héritière des Unions d’Églises et des centaines de lieux de culte et d’écoles anéantis pendant la Première Guerre mondiale. Au Liban, il y a cent ans, l’UAECNE a fondé et entretenu des églises, des écoles et des institutions pour personnes malades, aveugles, paralysées, âgées ou pauvres. Elle a participé activement à la vie de la communauté arménienne et a été une bénédiction pour la société libanaise grâce à son savoir-faire et son engagement. Aujourd’hui comme hier, elle est un membre du corps du Christ au Liban et son témoin – ses mains, ses pieds, ses yeux et son cœur. Elle met l’accent sur la foi personnelle et la transformation des cœurs tout en répondant aux divers besoins de la personne humaine, combinant la foi et l’action.

Le parcours des premiers témoins

Pour une Église, être témoin du Christ se mesure à sa fidélité et non dans le nombre de ses membres. Il faut nous rappeler que le «mouvement de Jésus » a grandi de façon exponentielle alors même que le Christ annonçait à ses disciples que la torture et la mort l’attendaient et que chacun aurait sa croix à porter. Lorsque Jean écrit « que beaucoup de ses disciples se retirèrent » (Jean 6, 66), il signale la baisse de leur nombre, mais sans que cela n’ait empêché Jésus de poursuivre sa tâche de rassemblement, de formation et d’envoi de ses témoins.

Nous pouvons nous souvenir qu’une grande multitude a accueilli Jésus à Jérusalem mais qu’après quelques jours ils ne furent que douze lors du dernier repas et encore moins lors de son arrestation. Pierre lui-même finît par prendre la fuite. A la croix seule quelques femmes et Jean ont osé s’approcher du Seigneur agonisant (Jean 19, 25-27). Et pourtant ce petit troupeau abattu a osé témoigner après la découverte, par les femmes, du tombeau vide. Leur peur a été vaincue par la présence du Ressuscité et le don de son Esprit.

Si nous considérons ce que signifie être témoins du Christ dans les circonstances incertaines et souvent désastreuses du Moyen-Orient, l’histoire qui raconte comment le Christ a créé une Église de témoins est fondamentale. Avant la Pentecôte, les croyants se résumaient à 120 hommes et femmes (Actes 1,15). Mais ce nombre est devenue secondaire pour les disciples encouragés par l’Esprit à partager la bonne nouvelle du Christ à toute personne, langue et culture, en annonçant le message de la grâce de Dieu, en vivant la fraternité, en enseignant, en distribuant nourriture et ressources à ceux dans le besoin (Actes 4, 33-35). En un mot l’Esprit a appelé ces quelques personnes à être témoins du Christ, par tous les moyens et dans toutes les circonstances pour « planter et arroser, et laisser Dieu faire croître» (1 Cor. 3, 7-9).

L’Église Évangélique Arménienne se veut un de ces témoins. Elle se réunit fidèlement pour le culte le dimanche matin et elle fait de l’enseignement de la Bible un point central du programme de ses écoles. Elle organise des temps de rencontre pour des groupes de femmes, de jeunes et d’enfants, pour partager des temps de louange, des formations, des projets d’entraide et des loisirs. Elle s’adresse aux plus pauvres pour répondre à leurs besoins élémentaires. Elle collabore de manière œcuménique pour la prise en charge de personnes âgées, pour de l’accompagnement social, de l’aide médicale et des projets environnementaux. Avec d’autres elle se bat contre l’oppression, et fait entendre sa voix pour dénoncer les attaques sans fin contre l’Arménie. Nos jeunes gens continuent d’entendre l’appel de Dieu pour le service du prochain et pour se consacrer à un ministère en Église.

Qu’il soit lancé à beaucoup ou seulement à quelques-uns, cet appel est le même. Le Seigneur Jésus l’a affirmé sans équivoque : «Vous serez mes témoins » (Actes 1,8).

Par NISHAN BAKALIAN pasteur, Beyrouth