Nous avons fêté le début de l’été à Montpellier avec les étudiants de la faculté de théologie, et avec Gustave, un ami protestant de l’Oratoire du Louvre, à Paris. Eh oui, nous sommes des chrétiens inclusifs, même avec les Parisiens !

Karine – « Salut Gustave, dit-nous un peu ce qui t’amène à Montpellier ? »

Gustave  « Merci de m’accueillir ! Je viens de faire trois semaines de wwoofing dans le Larzac, comme bénévole dans une ferme en permaculture, et je reprends lundi un train pour Nice. C’était une belle occasion pour visiter Montpellier.

K. « Le wwoofing ?

G. « C’est l’acronyme anglais de world-wide opportunities on organic farms. L’idée est de vivre une expérience à la campagne, dans les potagers biologiques, qui font presque tout à la main, en échange du gîte et du couvert. En permaculture, sont bannis les produits phytosanitaires, on associe les légumes complémentaires, la terre n’est jamais laissée à nue avec le paillage entre les plants… C’est une agriculture révolutionnaire en plein développement, qui repense le rapport à la biodiversité et veut relocaliser la production. J’ai bêché, biné, désherbé, chassé les limaces, passé le motoculteur, nourri les poules et construit un abri pour les poussins, pétri mon pain, cueilli des fraises, bricolé des nichoirs, et fait un peu d’apiculture.

K. « Très Eglise verte ! Mais pourquoi le Larzac ?

G. « L’idée du wwoofing est de faire des rencontres improbables, de s’immerger dans des vies de familles à l’étranger, avec d’autres jeunes wwoofeurs. Le réseau est mondial, j’ai des amis qui sont allés au Portugal ou en Ecosse. Mais avec le confinement du Covid-19, j’étais bloqué en France. Du fait de la lutte des années 1970 contre l’extension du camp militaire du Larzac, la région est dynamique en termes de tissu associatif, avec l’installations régulière de néo-ruraux engagés. De plus, le parc naturel régional des Grandes Causses est magnifique. Il y a une réserve classée de ciel étoilé (RICE), avec extinction de l’éclairage public au milieu de la nuit, ce qui préserve de la pollution lumineuse. J’ai observé une voie lactée sublime, avec Saturne et Jupiter qui se levaient à l’horizon Est dès la tombée de la nuit. Il a aussi beaucoup d’espèces endémiques, notamment des oiseaux et des orchidées incroyables.

K. « Et c’est voisin des Cévennes !

G. « Salut, montagnes bien aimées… Exact, j’en ai profité pour rendre visite à mon grand-oncle et ma grand-tante cévenols. On a fait le tour du patrimoine camisard ! On est aussi monté au sommet du Mont Aigoual. Là-haut est perché un château fort-centre météorologique, avec un panorama de toute la côte méditerranéenne. Tout un groupe de cyclistes s’était retrouvé là, en suivant le parcours du prochain Tour de France, en août.

K. « Parle-nous de ce que tu as vu à Montpellier. Heureux de retrouver la civilisation ?

G. « Oui, le centre-ville, « l’Écusson », est adorable, en vieilles pierres ocres. Le ressenti d’une joyeuse population estudiantine, qui aime faire la fête. Vendredi après-midi, je me suis un peu promené avant de vous rejoindre à l’IPT. J’ai visité la cathédrale Saint-Pierre, avec son étonnant porche composé d‘une voûte en arc brisé soutenue par deux énormes colonnes. Le jardin botanique de l’école de médecine était tout en fleur.

K. « Sans oublier à l’entrée de la ville, au Peyrou, l’arc de triomphe de Louis XIV…

G. « Et ses quatre médaillons en bas-relief des grands faits du règne du Roi Soleil, dont la Révocation de l’Édit de Nantes !

K. « On sait accueillir à Montpellier, haha ! Il faut rappeler que c’était une place forte huguenote, reconquise ensuite par la monarchie absolue, comme La Rochelle. Le lendemain, on a profité de ce week-end de vacances pour faire ensemble un « pèlerinage » à la tour de Constance, à Aigues-Mortes.

Tour de Constance – Prise de vue du panneau explicatif du tableau de Max Leenhardt, Prisonnières huguenotes à la Tour de Constance (1892), Musée Fabre de Montpellier.

G. « Très belle cité médiévale Aigues-Mortes ! Avec une petite concurrence des mémoires, entre la ville-garnison de Louis IX pour embarquer pour les croisades, et la ville-prison des galériens et des prisonnières huguenotes, dont Marie Durand.

K. « On a fait le tour des remparts le matin, avec une perspective imprenable sur les marais salants. Puis on est monté à la tour de Constance. Il n’y avait plus de touristes, c’était l’heure du déjeuner. Alors on a chanté à pleins poumons les psaumes dans la grande salle, pour tester la résonnance ! On n’a pas manqué la margelle du puit, avec le graffiti dans la pierre qui est devenu quasiment une devise des réformés, REGISTER. Qu’est-ce qui t’a le plus marqué ?

Le fameux REGISTER

G. « Un panneau expliquait qu’en 2017 les archéologues avaient fait un énorme travail de recensement des graffitis sur les murailles. Certains symboles permettent d’identifier les graffitis des détenus huguenots, des cœurs transpercés d’une flèche notamment. Certains ont gravé un W avant leur nom. Une hypothèse intéressante est que ce W serait une transcription de la lettre grecque oméga ω. Comme une allusion aux versets de l’Apocalypse dans la Bible, « Je suis l’alpha et l’oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin. » Ces martyrs de la foiqui refusaient d’abjurer, se percevaient ainsi comme les derniers survivants du peuple huguenot.

K. « Oui, c’était un moment émouvant. On a ensuite pris un bon pique-nique, avant de rentrer à Montpellier. L’après-midi, nous avons bu un verre avec le pasteur James Woody sur la place de la Comédie, ce qui était quand même plus gai !

G. « On a bien ri ! J’étais heureux de le retrouver, il était mon pasteur quand j’étais catéchumène à l’Oratoire, et m’a baptisé à 15 ans.

K. « D’ailleurs on l’a revu le lendemain au culte du temple de la rue Maguelone.

G. « Avec André Gounelle ! On était comme des gosses sur le banc des étudiants de l’IPT, haha !

K. « C’était un beau culte, avec une prédication lumineuse de François Bergouignan sur un passage « misogyne » du livre des Proverbes (Proverbes 31, 10-31). L’occasion de faire un peu d’exégèse historico-critique, de remettre la Bible dans son contexte d’écriture. Puis de renouveler l’interprétation du texte pour qu’il nous parle aujourd’hui, en s’appuyant cette fois-ci sur une analyse fine du temps des verbes en hébreu. Pour la fête de la musique, il y a eu des morceaux méditatifs à l’orgue, au piano et à la guitare classique. Une grande qualité de silence dans l’assemblée.

G. « Dimanche après-midi, je suis allé visiter le musée Fabre. Une merveilleuse collection de tableaux, de la Renaissance hollandaise à l’art contemporain, avec une nouvelle aile pour exposer la dotation de Pierre Soulage, qui fête ses cent ans cette année. J’y suis resté trois heures. A noter pour Regard protestant, les œuvres de Frédéric Bazille, et de ses cousins Max Leenhardt et Eugène Castelnau, peintres issus de la haute société protestante de Montpellier de la fin du XIXe siècle. Proches de Monet, ils peignent en plein air la campagne occitane, la mer sous les remparts d’Aigues-Mortes, et des portraits de parpaillotes vêtues de noir, pénétrées de la légendaire rigueur et sobriété protestante.

K. « On s’est retrouvé le soir au Beehive, un pub écossais du centre, avec Mélanie Chevron et Quentin Milan-Laguerre.

G. « C’était vraiment très chouette ! Encore une belle soirée à refaire le monde, avant de rentrer à l’IPT. J’ai bien aimé vos locaux d’ailleurs, on se sent immédiatement chez soi dans la grande villa de Charles Gide. Le parc est encore vert sous les pins. Il manque juste une piscine, et un potager en permaculture !

K. « Pour ça, on t’attend ! Ça ne te tenterait pas de rejoindre la faculté ?

G. « Oh pas pour maintenant, ce sont des sujets qui m’intéressent parmi tant d’autres ! Je suis curieux de nature et trop avide d’explorer le monde pour être tout de suite pasteur. La chance de notre Eglise est aussi qu’elle sait faire une place aux laïcs, et s’enrichir de la diversité des expériences de ses membres. »